La guerre de spartacus (73-72 av. J.-C.)
Il arrivait que, malgré les précautions prises par le lanista (trafiquant d'esclaves possesseur d'une école de gladiateurs), des révoltes se produisaient, elles étaient en général rapidement réprimées par les forces de police locales et tout rentrait dans l'ordre.
Lorsque soixante-quatorze pensionnaires, des thraces, des gaulois, des germains, s'évadèrent de l'école de lentulus batiatus, située à capoue, personne ne pouvait soupçonner que cet événement mineur serait à l'origine d'un des plus grands dangers courus par rome au cours de son histoire.
Les instigateurs de l'évasion étaient spartacus, un thrace de naissance libre qui avait servi comme auxiliaire dans l'armée romaine, avait déserté et, repris, avait été réduit en esclavage, crixus et oenomaüs, des gaulois, eux aussi , croit-on, esclaves de fraîche date.
Les évadés se réfugièrent sur les pentes du vésuve.
Le pouvoir ne prit l'affaire au sérieux à capoue et à rome, où les esprits étaient préoccupés par les événements d'espagne et d'orient, que lorsque des milliers d'esclaves eurent rejoint les évadés.
Comme d'habitude dans ce genre de situation, le sénat se contenta d'envoyer des cohortes d'auxiliaires dont elle confia le commandement au préteur claudius glaber.
Celui-ci bloqua les révoltés : il savait qu'ils étaient mal armés et dépourvus de vivres ; il suffisait donc d'attendre que la faim les réduisît à se rendre.
C'était sans compter sur la forte personnalité de spartacus, qui n'était pas seulement doué d'une force herculéenne mais aussi d'une intelligence très pragmatique : il comprit qu'il ne pouvait affronter en bataille rangée même les troupes médiocres du préteur.
Les assiégés remarquèrent que les Romains ne gardaient pas la position du côté d'un à-pic qu'ils jugeaient impraticable.
C'est de ce côté que spartacus fit descendre ses hommes, de nuit, à l'aide d'une échelle fabriquée avec des sarments de vigne, contourna les positions romaines et, profitant de l'effet de surprise, les mit en déroute.
Après ce succès, spartacus, qui vit ses effectifs augmenter, organisa des raids pour assurer la subsistance de ses hommes et pour s'emparer des armes nécessaires pour combattre les troupes que ne manquerait pas d'envoyer rome.
Il s'empara en même temps d'un butin qui allait lui servir ultérieurement de monnaie d'échange pour satisfaire les besoins d'une véritable armée.
De fait les préteurs envoyés pour mettre fin à cette rébellion qui menaçait les riches propriétés des grands propriétaires terriens -des sénateurs- furent successivement tous battus.
Ce n'était plus une simple révolte à laquelle rome devait faire face mais une guerre qu'il fallait soutenir.
Les insurgés divisèrent leurs forces en deux (oenomaüs avait été tué) : crixus, avec vingt mille ou trente mille hommes, gagna la lucanie tandis que spartacus, avec des forces plus importantes encore se dirigea vers le Nord pour gagner la plaine du pô après avoir traversé le picenum.
Les historiens modernes s'interrogent sur les raisons de ce partage.
S'agit-il d'un différend entre les chefs, crixus et ceux qui le suivaient jugeant suffisant de vivre sur le pays en le pillant, spartacus nourrissant des projets plus ambitieux ?
Les avis divergent .
Il se peut que spartacus ait pensé reconduire ses hommes dans leurs pays puis qu'il renonça à ce projet pour engager une action beaucoup plus hardie et dangereuse pour rome, soulever partout sur son passage les masses serviles et ranimer les sentiments d'hostilité des peuples d'italie encore sous le coup de la guerre sociale, appelée aussi guerre des alliés (socii en latin), qui avait duré deux ans de 90 à 88.
Dans ce cas les deux chefs se seraient partagé la tâche.
Le sénat, alarmé, chargea les consuls gellius et lentulus de la guerre avec deux légions chacun.
Gellius, au Sud, vainquit crixus et anéantit les deux tiers de son armée, lentulus devait arrêter spartacus dans sa progression.
Après la défaite de crixus, spartacus vainquit d'abord lentulus puis il se retourna contre gellius, dont il dispersa l'armée.
Puis il honora les mânes de crixus par des jeux funèbres au cours desquels, suprême humiliation pour rome, il contraignit trois cents soldats romains prisonniers à se battre et à se tuer entre eux.
Il paracheva ses succès en mettant en déroute le gouverneur de la gaule cisalpine caius cassius.
Rome pouvait tout craindre, comme au temps d'hannibal.
Mais spartacus, dont les forces, pourtant, avaient grossi -il aurait disposé de cent vingt mille hommes- renonça, on ne sait pourquoi.
Ce qui est sûr, c'est que malgré les apparences, sa situation n'était pas aussi favorable qu'on pourrait le penser.
Le soutien de l'armée de crixus lui faisait désormais défaut, les peuples italiens ne bougèrent pas, ayant obtenu ce qu'ils désiraient, le droit de cité, et méprisant les esclaves, le long de l'Adriatique il traversait des régions où les lois agraires des gracques avaient permis le développement de propriétés de dimensions modestes où travaillaient des esclaves mieux intégrés, non pas des masses serviles comme en Campanie ou en Sicile, promptes à la sédition.
Nulle part spartacus ne put trouver un lieu où s'installer de façon durable, jamais il ne put réunir des forces comparables à ses prédécesseurs siciliens.
Pour marcher sur rome avec une chance de victoire décisive, il lui eût fallu disposer de troupes mieux armées et mieux entraînées.
Il renonça ou remit à plus tard.
Dans sa marche vers le Sud, il triompha encore une fois des deux armées réunies des consuls dans le picenum, ce qui mit fin à la campagne de 72, et il rassembla ses forces dans le bruttium, en instituant la ville de thurii sa capitale.
La carte dit assez qu'il s'était enfermé comme dans une sorte de nasse.
Rome respirait : elle n'était plus sous la menace d'une attaque prochaine.
Spartacus, lui, préparait l'avenir en échangeant avec le monde grec les objets du butin contre les matériaux destinés à la fabrication des armes.
Pour conduire la guerre, le sénat fit appel au préteur marcus licinius crassus, un choix surprenant puisqu'il succédait à deux consuls et qu'il n'avait jamais eu l'occasion de se distinguer dans une campagne militaire.
Mais peut-être personne ne s'était mis en avant pour mener une guerre dont on ne pouvait tirer une grande gloire si on la gagnait et qui déshonorerait celui qui la perdrait.
Crassus accepta parce qu'il était ambitieux et que cette guerre le concernait personnellement dans une certaine mesure : il était immensément riche -il recevra le surnom personnel de dives (le riche) et sa richesse reposait en partie sur le très grand nombre des esclaves qu'il possédait et dont il tirait un revenu régulier en les louant.
Sa famille était honorablement connue mais il devait sa fortune au rôle qu'il avait joué auprès du dictateur sylla (il aurait multiplié ses biens par vingt grâce aux proscriptions) et à une spéculation immobilière qui en faisait un des plus grands propriétaires de maisons et d'appartements à louer à rome.
Sénateur, il était lié aux milieux d'affaires.
Sans scrupules et opportuniste, il entretenait une rivalité aiguë avec pompée (plutarque, crassus).
Or celui-ci, ayant vaincu sertorius, s'apprêtait à revenir dans la ville une fois qu'il aurait rétabli l'ordre romain en espagne.
Crassus devait faire vite pour conquérir une place de premier plan dans le monde politique.
Rome vit en lui un sauveur et elle lui confia dix légions.
Fait inhabituel, crassus engage les opérations en octobre et il les finance sur ses deniers.
Il ne cherche pas à engager le combat avec l'armée de spartacus, dont il se contente de contrecarrer les raids qu'il lance pour se ravitailler.
Son légat, désobéissant à ses ordres, attaque une partie des troupes de spartacus, avec deux légions, mais subit un désastre.
Pour faire un exemple et impressionner les esprits, crassus n'hésita pas à remettre en usage un châtiment qui n'était plus pratiqué, celui de la décimation.
Cinquante soldats sur cinq cents considérés comme responsables de la défaite furent mis à mort.
Crassus remporta un succès sur une troupe de dix mille esclaves, en en tuant six mille. puis il livra bataille à spartacus lui-même.
Elle fut indécise, spartacus rompit le contact et se réfugia dans le sud du bruttium.
Spartacus conçut le projet de passer en Sicile en faisant appel aux pirates ciliciens, excellents marins, mais ceux-ci se dérobèrent.
Il construisit des radeaux qui ne résistèrent pas à la mauvaise mer de la saison.
Il était donc bloqué dans l'extrême Sud de la péninsule, d'autant plus étroitement que crassus lui barra le passage en creusant, sur cinquante cinq kilomètres de long un fossé de quatre mètres cinquante de profondeur, d'une largeur égale, et un remblai garni d'une palissade.
Dispositif infranchissable qui incita spartacus à engager des négociations qui échouèrent.
Cependant par une nuit de neige, il réussit à combler partiellement le fossé et à le faire franchir par un tiers de ses troupes.
Crassus dut lever le siège de peur d'être pris à revers et demanda au sénat de hâter le retour de pompée : il fallait qu'il fût découragé pour entreprendre une telle démarche.
La situation de spartacus n'était pas enviable pour autant : il devait faire face au mécontentement de certains dans ses propres rangs, tous ses mouvements étaient constamment épiés et contrôlés par crassus, il savait que le gouverneur de la macédoine, lucullus, avait débarqué à brindes avec son armée.
Des succès partiels, comme celui qu'il remporta sur le légat de crassus, quinctius, ne pouvaient que retarder l'échéance.
Il se résolut à livrer bataille, en lucanie.
Cette bataille serait décisive, il le savait.
De part et d'autre on se battit avec acharnement et soixante mille esclaves restèrent sur le terrain et, parmi eux, spartacus dont on ne retrouva pas le corps dans cet amoncellement de cadavres.
La guerre était finie.
Pompée extermina cinq mille esclaves qu'il rencontra sur sa route en étrurie.
Crassus fit crucifier six mille prisonniers sur les cent quatre-vingt quinze kilomètres de la via appia qui conduisent de capoue à rome.
Pompée eut les honneurs du triomphe pour les campagnes qu'il avait menées, crassus se contenta de l'ovation qui lui fut accordée pour sa victoire dans cette guerre.
Les deux hommes accédèrent au consulat alors qu'ils ne remplissaient pas les conditions exigées par la loi et inaugurèrent leur amitié nouvelle en redonnant aux hommes d'affaires les privilèges politiques dont ils avaient été dépouillés par sylla.
Quelques années plus tard, ils s'uniraient à césar pour former le premier triumvirat
Des trois principales guerres serviles , celle de spartacus a laissé le souvenir le plus fort (tacite,annales ).
On pourrait ajouter que des hommes libres, très pauvres , voire misérables , qui n'avaient aucun espoir de voir leur sort s'améliorer, rejoignirent les rangs des esclaves .
La répression aprés " la mort " de spartacus ,ne fut pas plus cruelle : au siécle précédent en sicile le consul calpurnius pison avait fait mettre en croix huit mille esclaves.
Mais en fait elle fut plus spectaculaire et, à ce titre, elle a frappé davantage les esprits que les guerres serviles du siécle précédent.
Les historiens s'accordent pour dire qu'elle n'avait pas plus de chances de triompher.
Cependant la guerre de spartacus est restée aux yeux des romains la guerre servile par excellence, peut-être parce qu'elle s'était déroulée en italie et qu'elle leur avait rappelé l'époque de la deuxième guerre punique.
Elle est devenue, dans notre siècle, un exemple pour les révolutionnaires du monde entier : un mouvement s'est réclamé de lui en allemagne, celui du spartakisme, qui a joué un rôle important dans la révolution de 1918.
Il est même plus qu'un exemple : un symbole.
Les détails sur spartacus et la guerre qu'il a menée sont connus grâce à plusieurs auteurs antiques :
la source la plus proche des faits est salluste.
Il est le seul qui aurait pu bénéficier du témoignage direct des acteurs des événements (sauf les esclaves, presque tous morts).
De ses histoires, qui relatent les événements allant de 78 à 67 av. J.-C., il reste des fragments que voici.
L'italie était alors le théâtre d'une guerre qui menaça un instant le siège de la république.
Soixante-treize esclaves, détenus à capoue dans une académie de gladiateurs, brisent leurs armes et se réfugient sur le mont vésuve : voilà le faible commencement d'un embrasement qui, comme une lave brûlante, remplit l'italie de sang et de ruines.
Les esclaves avaient à leur tête un homme supérieur : c'était spartacus,
CCXCVI
lngens ipse virium atque animi.
Grand par son courage et sa vigueur, le préteur de la province, claudius pulcher, vient avec trois mille hommes les investir sur cette montagne.
Les gladiateurs lui échappant par un stratagème hardi, et se répandent dans la campanie.
Là ils voient leur troupe se grossir d'une foule de montagnards et de brigands du pays .
Spartacus appelle tous les esclaves à la liberté .
Dans les discours qu'il leur adresse, il insiste surtout sur la mollesse et la tyrannie des maîtres, qui tirent du travail et des sueurs de leurs esclaves le moyen de vivre au sein du luxe et des voluptés.
De tels hommes sont faciles à vaincre :
CCXCVII
Hi sunt qui secundum pocula et alias res aureas, diis sacrata instrumenta convivia mereantur.
Ce sont ceux qui, profanant des coupes et d'autres vases d'or, instruments consacrés au culte des dieux, font à table toutes leurs campagnes.
De toutes parts les esclaves accoururent sous ses drapeaux.
Bientôt il compte dix mille hommes sous ses ordres, et, pour les équiper convenablement, il leur prescrit
CCXCVIII
Exuant armis equisque
De dépouiller de leurs armes et de leurs chevaux les habitants des campagnes.
CCXCIX
Repente incautos agros invasis
Tout aussitôt, sur ces contrées sans défense on vit fondre cette armée d'esclaves .
La campanie est le premier théâtre de leurs excès .
Chacun d'eux,
CCC
Ex insolentia avidus male faciundi
D’autant plus ardent à mal faire que le pouvoir de nuire est nouveau pour lui se livre, comme à plaisir, à tous les abus de la force.
Après avoir saccagé cora, ils se surpassent encore par les horreurs qu'ils commettent à nucera, à noles.
A leur entrée dans cette ville, chacun d'eux courut s'attacher aux objets de sa haine ou de son ressentiment personnel.
On frémit au tableau de leurs cruautés :
CCCI
Nefandum in modum perverso volnere et interdum lacerum corpus semianumum omittentes, alii in tecta jaciebant ignes, multique ex loco servi, quos ingenium socios dabat, abdita a dominis aut ipsos trahehant ex occulto ; neque sanctum aut nefandum quicquam fuit irae barbarorum et servilii ingenio. Quae Spartacus nequiens prohibere multis precibus quo moraret (quum oraret) celeritate praevertere..... nuntios...,
Dans leurs caprices atroces, ils se plaisent à laisser à demi morts les corps déchirés des plus cruelles blessures ; on en voyait qui jetaient des feux sur les toits des maisons; nombre d'esclaves de l'endroit même, disposés par caractère à s'associer aux fugitifs, arrachaient des lieux les plus secrets les objets cachés par leurs maîtres ou leurs maîtres eux-mêmes.
Rien n'est sacré, rien ne paraît trop criminel à la fureur de ces barbares, à leur naturel d'esclaves spartacus, ne pouvant empêcher ces excès, malgré des prières réitérées...,leur fit donner, par quelques affidés, le faux avis que le préteur varinius glaber arrivait avec ses troupes.
Ce généreux stratagème sauva noles d'une entière destruction.
Ce préteur, en effet, n'était pas loin : spartacus voulait, à son approche, abandonner les plaines de la campanie et se replier en lucanie, derrière les montagnes de l'apennin.
Trois mille fugitifs gaulois, ayant pour chef oenomaüs, voulurent au contraire attaquer varinius : ils furent défaits, oenomaüs resta sur la place.
Ses compagnons, émules de sa valeur, vendirent chèrement cet avantage aux romains, et, après l'action, on trouva leurs cadavres
CCCII
Locum nullum, nisi in quo armati institissent
Sur la place même où ils avaient combattu.
Alors le reste des esclaves revint à l'avis de spartacus, et la retraite commença, inquiétée par quelques corps de cavalerie qu'avait envoyés en avant le préteur. spartacus,
CCCIb
Priusquam cum reliquo exercitu adesset Varinius, propere nanctus idoneos ex callibus duces, Picentinis, deinde Eburinis jugis occultus ad Nares Lucanas, atque inde, prima luce, pervenit ad Popili forum ignaris cultoribus. Ac statim fugitivi contra praeceptum ducis rapere ad stuprum virgines, matres; et alii...
Avant que varinius arrivât avec le reste de son armée, s'étant sur-le-champ assuré de bons guides à travers les sentiers, déroba sa marche en s'enfonçant dans les gorges des picentins, puis des eburinins, arriva à narès de lucanie, et de là, à la pointe du jour, à popliforme , dont les habitants ignoraient leur marche.
Aussitôt les fugitifs, au mépris des ordres de leur chef, violent les femmes et les filles, puis d’autres ...
ne songent qu'au meurtre et au pillage.
Spartacus surprend furius, lieutenant de varius, et lui tue deux mille hommes.
Varinius n'en parvint pas moins à resserrer les fugitifs dans une position désavantageuse
CCCIc
Deinde fugitivi consumptis iam alimentis, nec suppeditantibus ex propinquo,...tis ... instar et solita militiae vigilias stationesque et alia munia exsequentes, secunda vigilia cuncti egrediunlur, relicto buccinatore in castris et ad vigiliarum speciem procul visenti, erexerant fulta palis retentia cadavera ac signa.
Ensuite les fugitifs ayant consommé tous leurs vivres, et n’en pouvant tirer du voisinage,... sortent tous à la seconde veille, laissant dans leur camp un trompette, et, pour offrir à quiconque eût regardé de loin l'aspect de sentinelles, ils dressèrent sur des poteaux des corps récemment morts et des enseignes.
Spartacus, sorti de ce pas dangereux, s'achemine vers la mer supérieure, où il espérait se ménager une place de refuge.
Cossinius, détaché pour s'opposer à ce dessein, vient camper aux bains salants de l'apulie, entre les rivières du cerbale et de l'aufide.
Les gens du pays tombèrent à l'improviste sur son camp.
En ce moment
CCCIII
Cosinius in proximo fonte lavabatur
Cosinius se baignait dans une fontaine voisine
Il se sauva nu, et fut tué dans sa fuite.
Bientôt les fugitifs attaquent varinius lui -même, non qu'ils fussent tous armés en guerre, mais toute chose devenait une arme pour leur fureur : un épieu, une fourche ou tout autre outil de bois durci au feu, auxquels ils avaient donné
CCCId
M. Or trequii praeter s r ciem (duritiem) bello necessario (necessariam) haud multo secus quam ferro noceri poterat.
La dureté nécessaire pour combattre, portait des coups presque aussi dangereux que le sont ceux des armes de guerre .
CCCIe
At Varinius, dum haec aguntur a fugtiivis, aegra parte militum autumni gravitate, neque ex postrema fuga, quum severo edicto juberentur, ullis ad signa redeuntibus, et qui reliqui erant per summa flagitia detrectantibus militiam, quaestorem suum C. Thoranium ex quo praesente vera facillume noscerent. Commiserant (in Urbem miserant) et tamen interim cum volentibus numero quatuor,
Mais, tandis que les fugitifs obtenaient tous ces succès, voyant qu’une partie de ses soldats était atteinte des maladies qu’amère l’automne ; que, depuis leur dernière déroute, aucun ne revenait aux drapeaux, malgré l'édit sévère qui il avait rendu, et que ceux qui restaient mettaient la plus honteuse lâcheté à se refuser au service, varinius envoya c. thoranius, son questeur, à rome, afin que, par témoin oculaire, on sût mieux l'état des choses.
Néanmoins, en attendant son retour avec quatre cohortes de soldats de bonne volonté,il alla en avant contre l'ennemi ; mais, ayant reçu quelques renforts, il put être maître de la campagne, resserra les fugitifs dans leurs incursions, et leur interdit l’accès de la lucanie.
Spartacus, dans la vue de rétablir ses communications avec cette province, s'approche du camp romain ; mais il était si bien fortifié, qu'il n'osa rien entreprendre.
CCCIf
Aliquot dies contra morem fiducia augeri nostris coepit et promi lingua. Qua Varinius contra spectatam rem incaute motus novos incognitosque, et aliorum casibus perculsos milites, ducit tamen ad castra fugitivorum.
Quelques jours après, nos soldats, contre leur ordinaire, commencent à sentir croître leur confiance, et à tenir un langage plus assuré.
Varinius est entraîné lui-même par cette ardeur inattendue ; il met de cóté les précautions, puis, des soldats novices, non encore éprouvés, et tout préoccupés des revers de leurs camarades, il les conduit néanmoins contre le camp des fugitifs.
Dés que les romains aperçoivent de loin ceux-ci rangés en bon ordre et poussant des cris menaçants, leur courage s'ébranle.
CCCIg
Presso gradu silentes jam, neque tam magnifice sumentes proelium, quam postulaverant.
Déjà, ralentissant le pas et gardant le silence, ils ne se présentent pas aussi superbement au combat qu'ils l'avaient demandé.
Ils attaquent cependant la ligne ennemie ;
CCCIV
Quod ubi frustra tentatum est, socordius ire milites occoepere, non aptis armis, uti in principio, et laxiore agmine.
Mais cette tentative n'ayant pas réussi, les soldats commencèrent à la charge avec plus de mollesse, en ne tenant pas leurs armes serrées comme ils l'avaient fait d'abord, et en desserrant les rangs.
D'ailleurs, harassés de s'être tenus en haleine depuis le matin, ils étaient si accablés par la chaleur.
CCCV
ut sustinere coprora plerique nequeuntes, fessi arma sua quique stantes incumberent.
Que la plupart, pouvant à peine se soutenir, s'appuyaient, fatigués et fixés sur leurs armes.
La défaite devient générale : varinius donne le signal de la retraite et se replie sur la lucanie, abandonnant aux esclaves toute la pointe de l'italie jusqu'au détroit.
FRAGMENTS DU QUATRIÈME LIVRE
A rome, les consuls avaient eu à pourvoir au soulagement du peuple, dans un moment où la cherté des blés, l'entretient de plusieurs armées employées à des guerres étrangères, et la révolte des fugitifs en italie, avaient épuisés toutes les ressources du trésor et des contribuables.
Gellius, l'un d'eux,
CCCXXVIII
Anxius animi atque incertus,
Plein d’anxiété et d'incertitude,
ne savait á quel parti s'arréter ;
CCCXXIX
At Cn. Lentulus patriciae gentis, collega ejus, cui cognomen Clodiano fuit, per incertum stolidior, an vanior legem de pecunia, quam Sulla emptoribus bonorum remiserat,.exigunda promulgavit.
Mais son collègue, cn. lentulus,d'une maison patricienne, et qui portait le surnom de clodianus, promulgua sans qu'on puisse dire s'il se montra plus inconsidéré qu'inconséquent à ses principes une loi partant qu'on exigerait des acheteurs des biens des proscrits toutes les sommes dont sylla leur avait fait la remise.
Cette proposition souleva tous les partisans de sylla.
CCCXXX
Omnes, quibus aetas senecto corpore, animus militaris erat,
Tous ceux qui, malgré leur âge, conservaient dans un corps vieilli l'esprit militaire étaient prêts à se soulever et à renouveler la guerre civile ; car, depuis les sanglantes querelles de sylla et de marius,
CCCXXXI
Qui quidem mos, uti tabes ; in Urbem conjectus
Dans rome était répandue, comme un fléau contagieux, la manie de vouloir tout décider par violence.
Il fallut renoncer à cette ressource dangereuse qu'assurément,
CCCXXXII
Consilii aeger
Bien mal conseillé,lentulus avait cru devoir mettre en avant.
Spartacus, loin de se laisser éblouir par ses succès, s'occupa sérieusement de discipliner la révolte dont il était le chef.
Il promulgua des lois et des statuts tendant à maintenir l'ordre parmi cette foule de gens sans aveu qui l'avaient choisi pour chef.
Ces lois n'avaient dans le principe été faites que pour la lucanie, d'où les fugitifs étaient d'abord sortis en plus grand nombre.
Mais, voyant affluer à son camp les esclaves de l'étrurie et de la gaule cisalpine, spartacus étendit ces règlements à tous les fugitifs des cités gauloises, latines ou étrusques, qui entraient dans la ligue.
Ainsi
CCCXXXIII
Citra Padum omnibus lex Lucania fratra facit.
la loi lucanienne devint commune à tous les fugitifs, même en deçà du Pô.
Pour mettre un frein à la cupidité des esclaves, il établit que, dans son camp,
CCCXXXIV
Neu quis miles, neve pro milite,
Aucun soldat, ni tout autre en faisant les fonctions,n’introduirait aucune matière d'or ou d'argent.
Les levées faites, gellius et lentulus marchent contre les fugitifs.
Spartacus, fidèle à son système de circonspection, ne songe qu'à opérer sa retraite vers les alpes ; mais le chef des Gaulois, crixus,
CCCXXXV
Impotens et nimius animi est ;
Se laisse enfler par le succès, au point de ne se posséder plus ;
il ne rêve que la conquête de rome.
Ses compatriotes partageaient sa présomption.
Ainsi les fugitifs
CCCXXXVI
Dissidere inter se coepere, neque in medium consultare.
Commencèrent à ne plus être d'accord entre eux, et à ne plus tenir conseil en commun.
Mais la division devint plus marquée parmi eux au moment où la présence de deux consuls armés contre eux aurait dû les engager à l'union.
CCCIh
Atque illi certamini conscii, inter se juxta seditionem erant. Crixo et gentis ejusdem Gallis atque Germanis obviam ire et ultro obferre pugnam cupientibus ; contra Spartacum
Ainsi ces fugitifs. tous d'accord pour soutenir la lutte, étaient sur le point d'en venir entre eux à une sédition.
Crixus et ceux de sa nation, gaulois et germains, s'obstinèrent à aller au devant de l'ennemi, et à lui offrir la bataille ; spartacus, au contraire, de continuer son chemin pour exécuter son plan.
Gellius cependant s'était avancé le long de l'apennin.
Crixus, à la tête de ses vingt mille germains ou gaulois, marcha au-devant de lui par la lucanie et l'apulie, et le joignit sur le territoire des samnites.
Là on en vint aux mains.
Dans cette circonstance, la valeur impétueuse des gaulois leur procura un avantage dont ils ne surent pas profiter.
Ils avaient repoussé les romains, qui abandonnèrent leur camp.
Les Barbares y entrèrent, mais n'osèrent pas le piller entièrement pendant la nuit.
CCCXXXVII
Revorsi postero die, multa qui properantes deseruerant in castris, nacti quum se ibi cibo, vinoque laeti invitarent,
Le retour au camp le lendemain , ils trouvèrent quantité de choses que, dans leur précipitation, les romains avaient abandonnées ; et, pendant que, joyeux, ils s'excitaient à boire et à manger,ils furent surpris par les légions aux ordres du préteur arrius, qui les mit en complète déroute.
Crixus fut tué comme il tâchait, à force de valeur, de réparer sa faute.
Cependant spartacus dirigeait sa marche par la branche des apennins qui longe l'étrurie.
Mais il trouva le consul lentulus disposé à lui disputer le passage.
Il résolut de le forcer avant qu'il eût opéré sa jonction avec gellius.
CCCXXXVIII
Igitur legiones pridie in monte positas arcessivit ;
Il fit donc harceler les légions, qui depuis la veille étaient postées sur la montagne ;mais lentulus,
CCCXXXIX
Collegam minorem, et sui cultorem exspectans
attendant son collègue, moins âgé que lui, et qui lui témoignait beaucoup d'égards,n'accepta point la bataille.
Cependant gellius approchait.
Au moyen d'abatis et de tranchées pratiquées dans les défilés, spartacus arrête la marche de cet adversaire comme il était déjà presque à la vue des légions de lentulus, puis il attaqua ce dernier avec impétuosité.
CCCXL
Et eodem tempore Lentulus duplici acie locum editum multo sanguine suorum defensus , postquam ex sarcinis paludamenta adstari et delectae cohortes intelligi coepere,
En même temps lentulus , qui, en présentant un double front, avait su défendre sa position sur une élévation, non sans perdre beaucoup de monde, dès qu'il aperçut la casaque de pourpre sur les bagages de son collègue, et que les cohortes d'élite, commençant à se montrer à ses yeux,débouchaient de la vallée voisine, n'hésita pas à quitter les hauteurs pour accélérer sa jonction avec son collègue ; mais il ne fit que ménager à spartacus une victoire plus facile et plus complète, à la suite de laquelle, afin d'honorer les mânes de crixus, il força
CCCXLI
Oppobrii gratia,
Pour les couvrir d’opprobre quatre cents prisonniers romains de combattre comme gladiateurs autour du bûcher de ce chef.
Malgré ce sucrés, spartacus, toujours éloigné de toute présomption,
CCCXLII
Avidior modo properandi factus
N’en fut que plus empressé à hâter sa marche vers les alpes.
Arrivé sur le pô, un débordement subit arrêta son mouvement vers les alpes, et le força de se replier sur rome.
Le préteur arrius, ayant recueilli les débris des légions dans le picénum, vient au-devant des fugitifs : il leur livre bataille, il est vaincu ; et les romains, dans une déroute complète,
CCCXLIII
Divorsa, uti solet rebus perditis, capessunt. Namque alii fiducia gnaritans locorum occultam fugam, alii globis eruptionem textavere
Prennent, comme il arrive en un pareil désastre, la fuite en diverses directions ; les uns, se fiant à la connaissance des lieux, essayent à se dérober par la fuite ; les autres , se ralliant en petits corps, forcent les passages.
D'autres, ayant sur leur chemin
CCCXLIV
Rursus jumenta nancti ad oppidum ire conntendunt.
Trouvé des bêtes de somme, se hâtent de se réfugier dans la ville voisine.
Ce désastre jette la consternation dans rome.
La foule des citoyens, les femmes, les enfants éperdus.
CCCXLV
Genua Patrum advolvuntur,
Se jettent aux genoux des sénateurs,pour les conjurer de détourner le danger qui menace la ville.
Crassus, alors préteur, se présente : il s'offre à marcher contre les fugitifs .
Sa confiance inspire quelque résolution aux bons citoyens ; ils viennent en grand nombre et s'enrôlent sous ses ordres. Ayant pris
CCCXLVI
Ab his omnes evocatos et centuriones
parmi eux tous les vétérans et centurions retirés du service, il en forme le noyau de ses nouvelles levées.
Il eut avis aussi que les villes latines assemblaient une troupe
CCCXLVII
Quae cis paucos dies juncta in armis foret.
Qui en peu de jours se trouverait réunie sous les armes.
Quae cis paucos dies juncta in armis foret.
A peine sorti de rome, il envoya en avant mummius, son lieutenant, avec ordre de recueillir les débris de l'armée d'arrius, et d'éviter surtout une action avec spartacus.
Mummius n'obéit pas : il fut vaincu ; et crassus, après avoir recueilli les fuyards, sévit contre les troupes de mummius, qui avaient montré de la lâcheté. Il fait décimer les cohortes,
CCCXLVIII
Sorte ductos fusti necat.
Et périr sous le bâton ceux que le sort a désignés.
CCCXLIX
Dein, lenita jam ira, postero die liberalibus verbis permulcti sunt.
Ensuite, sa colère étant apaisée, il réconforta le lendemain ses légionnaires par des paroles encourageantes.
Fidèle au plan qu'il avait prescrit à mummius, après s'être emparé des défilés de l'apennin, il se contente d'observer la marche de spartacus, le harcelant quelquefois, et ne s'arrêtant jamais
CCCL
Ex parte cohortum praecipere instructa, et stationes locatae pro castris,
Sans tirer de chaque cohorte les soldats les mieux dressés, qu'il portait en gardes avancées au-devant de son camp.
Spartacus reconnut qu'il avait un adversaire digne de lui, et il reprit le chemin de la lucanie, suivi d'assez prés par l'armée romaine.
Il voulait regagner son ancienne retraite dans l'abruzze, avec l'espoir de s'y maintenir en prenant position sur l’apennin.
De ce côté,
CCCLI
Omnis Italia coacta in angustias scinditur in duo promontoria bruttium et salentinum.
Toute l'italie, resserrée par un détroit, se termine coupée par deux promontoires, celui du bruttium et celui des salentins.
Il se flattait, à tout événement,
CCCLII
Serum bellum in angusstiis futurum.
Que dans des défilés la guerre pourrait se prolonger.
Spartacus comptait, en outre, passer en sicile sur les vaisseaux des pirates, et transporter le théâtre de la guerre dans cette île où deux fois les esclaves en révolte avaient osé faire tête aux romains.
Serrés de près par l'armée de crassus, les fugitifs
CCCLIII
In silva Sila fugerunt.
Se réfugièrent dans la forêt sila.
Alors spartacus entra en marché avec les pirates, pour qu'ils lui fournissent des bâtiments de passage ; mais ceux-ci, après avoir reçu l'argent, repartirent.
Crassus, pour enfermer spartacus dans la pointe méridionale de l'italie, fit creuser un fossé d’une mer à l'autre.
Dès que ce
CCCLIV
Labos,
Travail,qui employa plusieurs
CCCLV
Luces,
Journées fut achevé, les fugitifs se virent
CCCLVI
Clausi lateribus, altis pedem
Enfermés de tous cotés par un retranchement de [quinze] pieds de profondeur sur autant de large ; nul moyen de s'échapper.
Spartacus songe alors à passer le détroit sur des radeaux ; mais l'entreprise était impossible dans cette mer resserrée.
C'est ici le lieu de parler de la situation relative de la sicile et de l'italie.
A ce sujet, les traditions varient, et la tradition
CCCLVII
In quis longissimo aevo plura de bonis falsa in deterius composuit.
A parmi ces récits, grâce à l'éloignement des temps, rendu encore plus absurdes plusieurs fables tirées
d'un fond de vérité.
CCCLVIII
Otaliam conjunctam Siciliae constat fuisse; et, dum esset una tellus, medium spatium, aut per humilitatem obrutum est aquis, aut propter angustiam scissum,
II est certain que l'italie fut jointe à la sicile ; et, lorsqu'elle ne formait qui un seul continent, l'isthme qui les unissait s'est trouvé ou submergé par les eaux, à cause de son peu d'élévation, ou coupé par elles, à cause de son peu d'étendue,
CCCLIX
Atque hiavit humus vasta et profunda
Et le sol s'entr’ouvrit à une grande profondeur, qui fut aussitôt comblée par les flots de la mer.
CCCLX
Inde Rhegium nominatum.
De là ce lieu a été nommé rhegium.
CCCLXI
Ut autem curvum sit, facit natura mollioris Italiae, in quam asperitas et altitudo Siciliae aestum relidit ;
Ce qui arrondit ce détroit, c'est le gisement du sol de l'italie, qui est plus bas, et la hauteur du sol de la sicile, qui rejette sur cette contrée l'action des vagues,car, à vrai dire, le terrain
CCCLXII
Italia plana et mollis,
De l'italie est peu élevé, et doux à gravir,à l'exception des dépendances de la chaîne de l'apennin.
On prétend que, pour garantir la sicile des débordements auxquels elle se trouvait exposée, ses habitants construisirent, à force de bras, une digue très-élevée. C'est aujourd'hui
CCCLXIII
Pelorum , promontorium Siciliae, respiciens Aquélonem, dictum a gubernatore Annibalis illic sepulto, qui fuerat occisus per regis ignorantiam, quum se ejus dolo crederet esse dereptum, veniens de Petilia
Le cap pélore, situé dans la partie septentrionale de la sicile, ainsi appelé du nom d'un pilote d'hannibal, qui y fut inhumé.
Il fut victime de l'ignorance de son chef, qui, à son retour de petilia, croyait avoir été égaré par la trahison de ce pilote dans ces parages qui lui étaient inconnus,
CCCLXIV
Ad Siciliam vergens faucibus non amplius patet millibus V et XXX.
Le détroit qui forme courbure le long de la sicile n’a pas plus de trente-cinq milles de long.
CCCLXV
Est autem arctissimum trium millium spatio Siciliam ab Italia dividens, fabulosis infame monstris , quibus hinc et inde Scylla et Charybdis ostenditur. Scyllam accolae saxum in mari imminens appellant, simile celebratae formae procul visentibus. Unde et monstruosam speciem fabulaa illi dederunt, quasi formam hominis capitibus succinctam caninis, qui collisi ibi fluctus latratus videntur exprimere.
Dans sa moindre largeur, il sépare la sicile de l'Iitalie sur un espace de trois mille pas.
II est fameux par ces monstres fabuleux, charybde d'un côté, scylla de l'autre, qui se montrent au navigateur.
Les habitants appellent scylla un rocher qui s'élève au-dessus de la mer, et qui, de loin, offre à l'oeil quelque apparence de la forme qu'on lui a tant attribuée : voilà pourquoi la Fable lui a donné l'aspect d'un monstre à forme humaine, entouré de têtes de chiens, parce que les flots, qui se brisent contre cet écueil, font un bruit qui ressemble à des aboiements.
CCCLXVI
Charybdis, mare vorticosum,
autour de charybde la mer forme un gouffre, car elle engloutit tout ce qui s'en approche ; ce qui a donné lieu à la fable d'une femme vorace qui, pour avoir enlevé les boeufs d'Hercule, fut d'un coup de foudre précipitée dans la mer.
Les courants que forment charybde,
CCCLXVII
Quod forte illata naufragia sorbens gurgitibus occultis, millia sexaginta tauromenitana ad litora trahit,
Absorbant par des gouffres cachés les objets naufragés que des accidents y amènent, vont les poster à soixante milles de là, aux ravages de tauromenium,
CCCLXVIII
Ubi se laniata navigia fundo emergunt.
Où les vaisseaux, mis en pièces, ressortent du fond des eaux.
Traverser un pareil détroit sur des radeaux et de faibles embarcations était impossible.
Les fugitifs revinrent donc dans la forêt sila, résolus de forcer, les armes à la main, le fossé creusé par crassus ;
CCCLXIX
Sin vis obsistat, fer o quam fame aequius perituros.
Car, si les efforts de l'ennemi y mettaient obstacle, encore valait-il mieux périr par le fer que par la faim.
Ce coup désespéré réussit ; les fugitifs franchirent la barrière. Le dessein de spartacus était de gagner brindes et de faire une nouvelle tentative pour sortir d'italie par mer ; mais les gaulois, toujours disposés à la révolte, firent de nouveau bande à part, et allèrent camper sur les marais salans de lucanie.
Crassus marche aussitôt au-devant d'eux, les attaque, les bat ; et il en aurait fait un grand carnage, si spartacus, qui survint, n'eut donné à ses ingrats compagnons le temps de se rallier et de se retrancher sur le mont calamarque.
Dans une seconde journée, un détachement romain, aux ordres de pontinius et de marcius rufus, lieutenants de crassus, était au moment de s"emparer, à la faveur de l'obscurité, d'une éminence qui dominait le camp gaulois :
CCCLXX
Quum interim, lumine etiam tum incerto, duae Galliae mulieres conventuum vitantis, ad menstrua solvenda,montem ascendunt
Lorsque, sur l'entrefaite, le jour commençant à peine à poindre, deux femmes gauloises, qui, pour passer leur époque, étaient au moment de se séquestrer de la société, gravirent la hauteur d'un autre côté.
Elles découvrirent la marche du détachement, et donnèrent l'alarme au camp.
Les gaulois, avertis, reçurent si bien ceux qui comptaient les surprendre, qu'ils auraient remporté à leur tour la victoire, si crassus n'était survenu avec le gros de l'armée.
Il choisit, pour les attaquer, un bas-fond humide où l'avantage du terrain était pour lui
CCCLXXI
Simul eos et cunctos jam inclinatos laxitate loci, plures cohortes, atque omnes, ut in secunda re, pariter acre invadunt.
Alors, comme ils étaient tous et chacun en désordre, à cause de la difficulté de se tenir sur leurs pieds dans ce terrain glissant, ils virent tomber sur eux les premières cohortes, puis le reste de l'armée de crassus, avec cette ardeur qui ne manque jamais au soldat quand il est sûr de l'avantage.
Les gaulois furent repoussés et perdirent dix mille hommes.
Dans une seconde action, qui eut lieu le soir même, crassus remporta une seconde victoire sur les fugitifs ; six mille des leurs restèrent encore sur le champ de bataille.
Les romains firent neuf cents prisonniers, et recouvrèrent cinq aigles romaines, vingt-six drapeaux et cinq faisceaux armés. de haches.
Toutefois, à rome, la consternation était extrême, et le peuple demandait à grands cris le rappel de pompée.
Cet heureux général, après avoir détruit ou rallié à ses drapeaux les armées ennemies, n'avait plus qu'à faire rentrer dans l'obéissance les villes jusqu'alors demeurées fidèles au parti de sertorius.
Calagurris seule opposa une résistance invincible.
Les habitants, plutôt que de se rendre, eurent le courage de manger les corps de leurs femmes et de leurs enfants morts de faim ;
CCCLXXII
Parte consumta, reliqua cadaverum ad diuturnitatem usus sallerent.
Et, après avoir consommé une partie des cadavres, ils salèrent le reste, afin de le conserver pour cet usage.
La ville finit par être prise d'assaut, détruite, et les habitants passés au fil de l'épée.
Les romains, en entrant dans la place, trouvèrent
CCCLXXIII
Reliqua cadavera salita.
Le reste des cadavres en salaison.
La ruine de calagurris entraîna la fin de la guerre en espagne.
Metellus alors sortit de la péninsule et
CCCLXXIV
Exercitum dimisit, ut primum Alpes digressus est.
Licencia son armée, dés qu'il eût passé les alpes.
Toujours épris de son importance,
CCCLXXV
Pompeius, devictis Hispanis, tropaea in Pyrenaeis jugis constituit.
Pompée éleva sur les monts pyrénées des trophées, monument de ses victoires sur les espagnols.
C'est à cela qu'il employa ses troupes ; accoutumé qu'il était à braver les lois, il n'eut garde de les licencier.
Spartacus cependant s'était réfugié sur le mont cliban, près de pétélie.
Crassus détache contre lui tremellius scrofa, son questeur, et quinctius, son lieutenant ; ils sont défaits, et, cette victoire inspirant aux fugitifs une confiance funeste, ils forcent leur capitaine à les conduire en lucanie.
C'était aller au-devant des désirs de Crassus, qui voulait vaincre avant l'arrivée de pompée.
Le résultat d'une dernière bataille, que spartacus aurait voulu éviter, fut décisif : il y perd la vie, et sa mort devient la fin de la guerre ; mais dans cette action les fugitifs ont bien fait leur devoir, et aucun d'eux
CCCLXXVI
Haud impigre neque multas occiditur
Ne périt lâchement et sans vengeance
Après le combat, crassus poursuvit les fugitifs jusqu'à ce qu'ils fussent détruits .
On leur donna la chasse comme à des bêtes fauves.
De retour à rome, il reçut l'honneur de l'ovation : on ne crut pas devoir récompenser par le grand triomphe le vainqueur dans une guerre servile.
Cependant
CCCLXXVII
Unus constitit in agro lucano, gnarus loci, nomine Publipor.
Un seul chef des révoltés se maintint dans la lucanie, grâce à la connaissance des lieux ; il se nommait
publipor.
Près de cinq mille esclaves se rallièrent autour de lui.
Déjà il avait fait quelques progrès, lorsqu'un malheureux hasard le fit tomber dans l'armée de pompée, qui revenait d'espagne.
En une seule action, la troupe de publipor fut détruite, et pompée ne craignit pas de mettre ce facile avantage au-dessus des succès bien autrement réels de Crassus.
Ainsi se termina cette guerre honteuse pour Rome, bien qu'en cette occasion elle fût parvenue à vaincre des ennemis dont la valeur personnelle est au-dessus de toute comparaison.
Dans d'autres circonstances, elle avait vaincu facilement de grandes nations pourvues de tous les moyens d'attaque et de défense : ici ce sont des ennemis qui d'esclaves se sont faits hommes, et à qui la plus indomptable fureur fournit des armes.
CCCLXXVIII.
Hi locorum pergnari, etsoliti nectere ea viminibus vasa agrestia, ibi, tum quum inopia scutorum fuerat, ad eam artem se quisque in formam parmae equestris armabat.
Parfaitement au fait des localités, et habitués à recouvrir d'osier des vases agrestes, grâce à cette industrie, chacun d'eux put s'armer d' un bouclier de forme semblable à ceux de la cavalerie.
Ils recouvrirent l'osier avec le cuir des bestiaux qu'ils avaient enlevés dans la campagne,
CCCLXXIX
De pecore coria recens detracta quasi glutino adolescebant.
Et ces cuirs, récemment écorchés, s’y appliquaient sur-le-champ, comme si on les eût collés.
Il arrivait que, malgré les précautions prises par le lanista (trafiquant d'esclaves possesseur d'une école de gladiateurs), des révoltes se produisaient, elles étaient en général rapidement réprimées par les forces de police locales et tout rentrait dans l'ordre.
Lorsque soixante-quatorze pensionnaires, des thraces, des gaulois, des germains, s'évadèrent de l'école de lentulus batiatus, située à capoue, personne ne pouvait soupçonner que cet événement mineur serait à l'origine d'un des plus grands dangers courus par rome au cours de son histoire.
Les instigateurs de l'évasion étaient spartacus, un thrace de naissance libre qui avait servi comme auxiliaire dans l'armée romaine, avait déserté et, repris, avait été réduit en esclavage, crixus et oenomaüs, des gaulois, eux aussi , croit-on, esclaves de fraîche date.
Les évadés se réfugièrent sur les pentes du vésuve.
Le pouvoir ne prit l'affaire au sérieux à capoue et à rome, où les esprits étaient préoccupés par les événements d'espagne et d'orient, que lorsque des milliers d'esclaves eurent rejoint les évadés.
Comme d'habitude dans ce genre de situation, le sénat se contenta d'envoyer des cohortes d'auxiliaires dont elle confia le commandement au préteur claudius glaber.
Celui-ci bloqua les révoltés : il savait qu'ils étaient mal armés et dépourvus de vivres ; il suffisait donc d'attendre que la faim les réduisît à se rendre.
C'était sans compter sur la forte personnalité de spartacus, qui n'était pas seulement doué d'une force herculéenne mais aussi d'une intelligence très pragmatique : il comprit qu'il ne pouvait affronter en bataille rangée même les troupes médiocres du préteur.
Les assiégés remarquèrent que les Romains ne gardaient pas la position du côté d'un à-pic qu'ils jugeaient impraticable.
C'est de ce côté que spartacus fit descendre ses hommes, de nuit, à l'aide d'une échelle fabriquée avec des sarments de vigne, contourna les positions romaines et, profitant de l'effet de surprise, les mit en déroute.
Après ce succès, spartacus, qui vit ses effectifs augmenter, organisa des raids pour assurer la subsistance de ses hommes et pour s'emparer des armes nécessaires pour combattre les troupes que ne manquerait pas d'envoyer rome.
Il s'empara en même temps d'un butin qui allait lui servir ultérieurement de monnaie d'échange pour satisfaire les besoins d'une véritable armée.
De fait les préteurs envoyés pour mettre fin à cette rébellion qui menaçait les riches propriétés des grands propriétaires terriens -des sénateurs- furent successivement tous battus.
Ce n'était plus une simple révolte à laquelle rome devait faire face mais une guerre qu'il fallait soutenir.
Les insurgés divisèrent leurs forces en deux (oenomaüs avait été tué) : crixus, avec vingt mille ou trente mille hommes, gagna la lucanie tandis que spartacus, avec des forces plus importantes encore se dirigea vers le Nord pour gagner la plaine du pô après avoir traversé le picenum.
Les historiens modernes s'interrogent sur les raisons de ce partage.
S'agit-il d'un différend entre les chefs, crixus et ceux qui le suivaient jugeant suffisant de vivre sur le pays en le pillant, spartacus nourrissant des projets plus ambitieux ?
Les avis divergent .
Il se peut que spartacus ait pensé reconduire ses hommes dans leurs pays puis qu'il renonça à ce projet pour engager une action beaucoup plus hardie et dangereuse pour rome, soulever partout sur son passage les masses serviles et ranimer les sentiments d'hostilité des peuples d'italie encore sous le coup de la guerre sociale, appelée aussi guerre des alliés (socii en latin), qui avait duré deux ans de 90 à 88.
Dans ce cas les deux chefs se seraient partagé la tâche.
Le sénat, alarmé, chargea les consuls gellius et lentulus de la guerre avec deux légions chacun.
Gellius, au Sud, vainquit crixus et anéantit les deux tiers de son armée, lentulus devait arrêter spartacus dans sa progression.
Après la défaite de crixus, spartacus vainquit d'abord lentulus puis il se retourna contre gellius, dont il dispersa l'armée.
Puis il honora les mânes de crixus par des jeux funèbres au cours desquels, suprême humiliation pour rome, il contraignit trois cents soldats romains prisonniers à se battre et à se tuer entre eux.
Il paracheva ses succès en mettant en déroute le gouverneur de la gaule cisalpine caius cassius.
Rome pouvait tout craindre, comme au temps d'hannibal.
Mais spartacus, dont les forces, pourtant, avaient grossi -il aurait disposé de cent vingt mille hommes- renonça, on ne sait pourquoi.
Ce qui est sûr, c'est que malgré les apparences, sa situation n'était pas aussi favorable qu'on pourrait le penser.
Le soutien de l'armée de crixus lui faisait désormais défaut, les peuples italiens ne bougèrent pas, ayant obtenu ce qu'ils désiraient, le droit de cité, et méprisant les esclaves, le long de l'Adriatique il traversait des régions où les lois agraires des gracques avaient permis le développement de propriétés de dimensions modestes où travaillaient des esclaves mieux intégrés, non pas des masses serviles comme en Campanie ou en Sicile, promptes à la sédition.
Nulle part spartacus ne put trouver un lieu où s'installer de façon durable, jamais il ne put réunir des forces comparables à ses prédécesseurs siciliens.
Pour marcher sur rome avec une chance de victoire décisive, il lui eût fallu disposer de troupes mieux armées et mieux entraînées.
Il renonça ou remit à plus tard.
Dans sa marche vers le Sud, il triompha encore une fois des deux armées réunies des consuls dans le picenum, ce qui mit fin à la campagne de 72, et il rassembla ses forces dans le bruttium, en instituant la ville de thurii sa capitale.
La carte dit assez qu'il s'était enfermé comme dans une sorte de nasse.
Rome respirait : elle n'était plus sous la menace d'une attaque prochaine.
Spartacus, lui, préparait l'avenir en échangeant avec le monde grec les objets du butin contre les matériaux destinés à la fabrication des armes.
Pour conduire la guerre, le sénat fit appel au préteur marcus licinius crassus, un choix surprenant puisqu'il succédait à deux consuls et qu'il n'avait jamais eu l'occasion de se distinguer dans une campagne militaire.
Mais peut-être personne ne s'était mis en avant pour mener une guerre dont on ne pouvait tirer une grande gloire si on la gagnait et qui déshonorerait celui qui la perdrait.
Crassus accepta parce qu'il était ambitieux et que cette guerre le concernait personnellement dans une certaine mesure : il était immensément riche -il recevra le surnom personnel de dives (le riche) et sa richesse reposait en partie sur le très grand nombre des esclaves qu'il possédait et dont il tirait un revenu régulier en les louant.
Sa famille était honorablement connue mais il devait sa fortune au rôle qu'il avait joué auprès du dictateur sylla (il aurait multiplié ses biens par vingt grâce aux proscriptions) et à une spéculation immobilière qui en faisait un des plus grands propriétaires de maisons et d'appartements à louer à rome.
Sénateur, il était lié aux milieux d'affaires.
Sans scrupules et opportuniste, il entretenait une rivalité aiguë avec pompée (plutarque, crassus).
Or celui-ci, ayant vaincu sertorius, s'apprêtait à revenir dans la ville une fois qu'il aurait rétabli l'ordre romain en espagne.
Crassus devait faire vite pour conquérir une place de premier plan dans le monde politique.
Rome vit en lui un sauveur et elle lui confia dix légions.
Fait inhabituel, crassus engage les opérations en octobre et il les finance sur ses deniers.
Il ne cherche pas à engager le combat avec l'armée de spartacus, dont il se contente de contrecarrer les raids qu'il lance pour se ravitailler.
Son légat, désobéissant à ses ordres, attaque une partie des troupes de spartacus, avec deux légions, mais subit un désastre.
Pour faire un exemple et impressionner les esprits, crassus n'hésita pas à remettre en usage un châtiment qui n'était plus pratiqué, celui de la décimation.
Cinquante soldats sur cinq cents considérés comme responsables de la défaite furent mis à mort.
Crassus remporta un succès sur une troupe de dix mille esclaves, en en tuant six mille. puis il livra bataille à spartacus lui-même.
Elle fut indécise, spartacus rompit le contact et se réfugia dans le sud du bruttium.
Spartacus conçut le projet de passer en Sicile en faisant appel aux pirates ciliciens, excellents marins, mais ceux-ci se dérobèrent.
Il construisit des radeaux qui ne résistèrent pas à la mauvaise mer de la saison.
Il était donc bloqué dans l'extrême Sud de la péninsule, d'autant plus étroitement que crassus lui barra le passage en creusant, sur cinquante cinq kilomètres de long un fossé de quatre mètres cinquante de profondeur, d'une largeur égale, et un remblai garni d'une palissade.
Dispositif infranchissable qui incita spartacus à engager des négociations qui échouèrent.
Cependant par une nuit de neige, il réussit à combler partiellement le fossé et à le faire franchir par un tiers de ses troupes.
Crassus dut lever le siège de peur d'être pris à revers et demanda au sénat de hâter le retour de pompée : il fallait qu'il fût découragé pour entreprendre une telle démarche.
La situation de spartacus n'était pas enviable pour autant : il devait faire face au mécontentement de certains dans ses propres rangs, tous ses mouvements étaient constamment épiés et contrôlés par crassus, il savait que le gouverneur de la macédoine, lucullus, avait débarqué à brindes avec son armée.
Des succès partiels, comme celui qu'il remporta sur le légat de crassus, quinctius, ne pouvaient que retarder l'échéance.
Il se résolut à livrer bataille, en lucanie.
Cette bataille serait décisive, il le savait.
De part et d'autre on se battit avec acharnement et soixante mille esclaves restèrent sur le terrain et, parmi eux, spartacus dont on ne retrouva pas le corps dans cet amoncellement de cadavres.
La guerre était finie.
Pompée extermina cinq mille esclaves qu'il rencontra sur sa route en étrurie.
Crassus fit crucifier six mille prisonniers sur les cent quatre-vingt quinze kilomètres de la via appia qui conduisent de capoue à rome.
Pompée eut les honneurs du triomphe pour les campagnes qu'il avait menées, crassus se contenta de l'ovation qui lui fut accordée pour sa victoire dans cette guerre.
Les deux hommes accédèrent au consulat alors qu'ils ne remplissaient pas les conditions exigées par la loi et inaugurèrent leur amitié nouvelle en redonnant aux hommes d'affaires les privilèges politiques dont ils avaient été dépouillés par sylla.
Quelques années plus tard, ils s'uniraient à césar pour former le premier triumvirat
Des trois principales guerres serviles , celle de spartacus a laissé le souvenir le plus fort (tacite,annales ).
On pourrait ajouter que des hommes libres, très pauvres , voire misérables , qui n'avaient aucun espoir de voir leur sort s'améliorer, rejoignirent les rangs des esclaves .
La répression aprés " la mort " de spartacus ,ne fut pas plus cruelle : au siécle précédent en sicile le consul calpurnius pison avait fait mettre en croix huit mille esclaves.
Mais en fait elle fut plus spectaculaire et, à ce titre, elle a frappé davantage les esprits que les guerres serviles du siécle précédent.
Les historiens s'accordent pour dire qu'elle n'avait pas plus de chances de triompher.
Cependant la guerre de spartacus est restée aux yeux des romains la guerre servile par excellence, peut-être parce qu'elle s'était déroulée en italie et qu'elle leur avait rappelé l'époque de la deuxième guerre punique.
Elle est devenue, dans notre siècle, un exemple pour les révolutionnaires du monde entier : un mouvement s'est réclamé de lui en allemagne, celui du spartakisme, qui a joué un rôle important dans la révolution de 1918.
Il est même plus qu'un exemple : un symbole.
Les détails sur spartacus et la guerre qu'il a menée sont connus grâce à plusieurs auteurs antiques :
la source la plus proche des faits est salluste.
Il est le seul qui aurait pu bénéficier du témoignage direct des acteurs des événements (sauf les esclaves, presque tous morts).
De ses histoires, qui relatent les événements allant de 78 à 67 av. J.-C., il reste des fragments que voici.
L'italie était alors le théâtre d'une guerre qui menaça un instant le siège de la république.
Soixante-treize esclaves, détenus à capoue dans une académie de gladiateurs, brisent leurs armes et se réfugient sur le mont vésuve : voilà le faible commencement d'un embrasement qui, comme une lave brûlante, remplit l'italie de sang et de ruines.
Les esclaves avaient à leur tête un homme supérieur : c'était spartacus,
CCXCVI
lngens ipse virium atque animi.
Grand par son courage et sa vigueur, le préteur de la province, claudius pulcher, vient avec trois mille hommes les investir sur cette montagne.
Les gladiateurs lui échappant par un stratagème hardi, et se répandent dans la campanie.
Là ils voient leur troupe se grossir d'une foule de montagnards et de brigands du pays .
Spartacus appelle tous les esclaves à la liberté .
Dans les discours qu'il leur adresse, il insiste surtout sur la mollesse et la tyrannie des maîtres, qui tirent du travail et des sueurs de leurs esclaves le moyen de vivre au sein du luxe et des voluptés.
De tels hommes sont faciles à vaincre :
CCXCVII
Hi sunt qui secundum pocula et alias res aureas, diis sacrata instrumenta convivia mereantur.
Ce sont ceux qui, profanant des coupes et d'autres vases d'or, instruments consacrés au culte des dieux, font à table toutes leurs campagnes.
De toutes parts les esclaves accoururent sous ses drapeaux.
Bientôt il compte dix mille hommes sous ses ordres, et, pour les équiper convenablement, il leur prescrit
CCXCVIII
Exuant armis equisque
De dépouiller de leurs armes et de leurs chevaux les habitants des campagnes.
CCXCIX
Repente incautos agros invasis
Tout aussitôt, sur ces contrées sans défense on vit fondre cette armée d'esclaves .
La campanie est le premier théâtre de leurs excès .
Chacun d'eux,
CCC
Ex insolentia avidus male faciundi
D’autant plus ardent à mal faire que le pouvoir de nuire est nouveau pour lui se livre, comme à plaisir, à tous les abus de la force.
Après avoir saccagé cora, ils se surpassent encore par les horreurs qu'ils commettent à nucera, à noles.
A leur entrée dans cette ville, chacun d'eux courut s'attacher aux objets de sa haine ou de son ressentiment personnel.
On frémit au tableau de leurs cruautés :
CCCI
Nefandum in modum perverso volnere et interdum lacerum corpus semianumum omittentes, alii in tecta jaciebant ignes, multique ex loco servi, quos ingenium socios dabat, abdita a dominis aut ipsos trahehant ex occulto ; neque sanctum aut nefandum quicquam fuit irae barbarorum et servilii ingenio. Quae Spartacus nequiens prohibere multis precibus quo moraret (quum oraret) celeritate praevertere..... nuntios...,
Dans leurs caprices atroces, ils se plaisent à laisser à demi morts les corps déchirés des plus cruelles blessures ; on en voyait qui jetaient des feux sur les toits des maisons; nombre d'esclaves de l'endroit même, disposés par caractère à s'associer aux fugitifs, arrachaient des lieux les plus secrets les objets cachés par leurs maîtres ou leurs maîtres eux-mêmes.
Rien n'est sacré, rien ne paraît trop criminel à la fureur de ces barbares, à leur naturel d'esclaves spartacus, ne pouvant empêcher ces excès, malgré des prières réitérées...,leur fit donner, par quelques affidés, le faux avis que le préteur varinius glaber arrivait avec ses troupes.
Ce généreux stratagème sauva noles d'une entière destruction.
Ce préteur, en effet, n'était pas loin : spartacus voulait, à son approche, abandonner les plaines de la campanie et se replier en lucanie, derrière les montagnes de l'apennin.
Trois mille fugitifs gaulois, ayant pour chef oenomaüs, voulurent au contraire attaquer varinius : ils furent défaits, oenomaüs resta sur la place.
Ses compagnons, émules de sa valeur, vendirent chèrement cet avantage aux romains, et, après l'action, on trouva leurs cadavres
CCCII
Locum nullum, nisi in quo armati institissent
Sur la place même où ils avaient combattu.
Alors le reste des esclaves revint à l'avis de spartacus, et la retraite commença, inquiétée par quelques corps de cavalerie qu'avait envoyés en avant le préteur. spartacus,
CCCIb
Priusquam cum reliquo exercitu adesset Varinius, propere nanctus idoneos ex callibus duces, Picentinis, deinde Eburinis jugis occultus ad Nares Lucanas, atque inde, prima luce, pervenit ad Popili forum ignaris cultoribus. Ac statim fugitivi contra praeceptum ducis rapere ad stuprum virgines, matres; et alii...
Avant que varinius arrivât avec le reste de son armée, s'étant sur-le-champ assuré de bons guides à travers les sentiers, déroba sa marche en s'enfonçant dans les gorges des picentins, puis des eburinins, arriva à narès de lucanie, et de là, à la pointe du jour, à popliforme , dont les habitants ignoraient leur marche.
Aussitôt les fugitifs, au mépris des ordres de leur chef, violent les femmes et les filles, puis d’autres ...
ne songent qu'au meurtre et au pillage.
Spartacus surprend furius, lieutenant de varius, et lui tue deux mille hommes.
Varinius n'en parvint pas moins à resserrer les fugitifs dans une position désavantageuse
CCCIc
Deinde fugitivi consumptis iam alimentis, nec suppeditantibus ex propinquo,...tis ... instar et solita militiae vigilias stationesque et alia munia exsequentes, secunda vigilia cuncti egrediunlur, relicto buccinatore in castris et ad vigiliarum speciem procul visenti, erexerant fulta palis retentia cadavera ac signa.
Ensuite les fugitifs ayant consommé tous leurs vivres, et n’en pouvant tirer du voisinage,... sortent tous à la seconde veille, laissant dans leur camp un trompette, et, pour offrir à quiconque eût regardé de loin l'aspect de sentinelles, ils dressèrent sur des poteaux des corps récemment morts et des enseignes.
Spartacus, sorti de ce pas dangereux, s'achemine vers la mer supérieure, où il espérait se ménager une place de refuge.
Cossinius, détaché pour s'opposer à ce dessein, vient camper aux bains salants de l'apulie, entre les rivières du cerbale et de l'aufide.
Les gens du pays tombèrent à l'improviste sur son camp.
En ce moment
CCCIII
Cosinius in proximo fonte lavabatur
Cosinius se baignait dans une fontaine voisine
Il se sauva nu, et fut tué dans sa fuite.
Bientôt les fugitifs attaquent varinius lui -même, non qu'ils fussent tous armés en guerre, mais toute chose devenait une arme pour leur fureur : un épieu, une fourche ou tout autre outil de bois durci au feu, auxquels ils avaient donné
CCCId
M. Or trequii praeter s r ciem (duritiem) bello necessario (necessariam) haud multo secus quam ferro noceri poterat.
La dureté nécessaire pour combattre, portait des coups presque aussi dangereux que le sont ceux des armes de guerre .
CCCIe
At Varinius, dum haec aguntur a fugtiivis, aegra parte militum autumni gravitate, neque ex postrema fuga, quum severo edicto juberentur, ullis ad signa redeuntibus, et qui reliqui erant per summa flagitia detrectantibus militiam, quaestorem suum C. Thoranium ex quo praesente vera facillume noscerent. Commiserant (in Urbem miserant) et tamen interim cum volentibus numero quatuor,
Mais, tandis que les fugitifs obtenaient tous ces succès, voyant qu’une partie de ses soldats était atteinte des maladies qu’amère l’automne ; que, depuis leur dernière déroute, aucun ne revenait aux drapeaux, malgré l'édit sévère qui il avait rendu, et que ceux qui restaient mettaient la plus honteuse lâcheté à se refuser au service, varinius envoya c. thoranius, son questeur, à rome, afin que, par témoin oculaire, on sût mieux l'état des choses.
Néanmoins, en attendant son retour avec quatre cohortes de soldats de bonne volonté,il alla en avant contre l'ennemi ; mais, ayant reçu quelques renforts, il put être maître de la campagne, resserra les fugitifs dans leurs incursions, et leur interdit l’accès de la lucanie.
Spartacus, dans la vue de rétablir ses communications avec cette province, s'approche du camp romain ; mais il était si bien fortifié, qu'il n'osa rien entreprendre.
CCCIf
Aliquot dies contra morem fiducia augeri nostris coepit et promi lingua. Qua Varinius contra spectatam rem incaute motus novos incognitosque, et aliorum casibus perculsos milites, ducit tamen ad castra fugitivorum.
Quelques jours après, nos soldats, contre leur ordinaire, commencent à sentir croître leur confiance, et à tenir un langage plus assuré.
Varinius est entraîné lui-même par cette ardeur inattendue ; il met de cóté les précautions, puis, des soldats novices, non encore éprouvés, et tout préoccupés des revers de leurs camarades, il les conduit néanmoins contre le camp des fugitifs.
Dés que les romains aperçoivent de loin ceux-ci rangés en bon ordre et poussant des cris menaçants, leur courage s'ébranle.
CCCIg
Presso gradu silentes jam, neque tam magnifice sumentes proelium, quam postulaverant.
Déjà, ralentissant le pas et gardant le silence, ils ne se présentent pas aussi superbement au combat qu'ils l'avaient demandé.
Ils attaquent cependant la ligne ennemie ;
CCCIV
Quod ubi frustra tentatum est, socordius ire milites occoepere, non aptis armis, uti in principio, et laxiore agmine.
Mais cette tentative n'ayant pas réussi, les soldats commencèrent à la charge avec plus de mollesse, en ne tenant pas leurs armes serrées comme ils l'avaient fait d'abord, et en desserrant les rangs.
D'ailleurs, harassés de s'être tenus en haleine depuis le matin, ils étaient si accablés par la chaleur.
CCCV
ut sustinere coprora plerique nequeuntes, fessi arma sua quique stantes incumberent.
Que la plupart, pouvant à peine se soutenir, s'appuyaient, fatigués et fixés sur leurs armes.
La défaite devient générale : varinius donne le signal de la retraite et se replie sur la lucanie, abandonnant aux esclaves toute la pointe de l'italie jusqu'au détroit.
FRAGMENTS DU QUATRIÈME LIVRE
A rome, les consuls avaient eu à pourvoir au soulagement du peuple, dans un moment où la cherté des blés, l'entretient de plusieurs armées employées à des guerres étrangères, et la révolte des fugitifs en italie, avaient épuisés toutes les ressources du trésor et des contribuables.
Gellius, l'un d'eux,
CCCXXVIII
Anxius animi atque incertus,
Plein d’anxiété et d'incertitude,
ne savait á quel parti s'arréter ;
CCCXXIX
At Cn. Lentulus patriciae gentis, collega ejus, cui cognomen Clodiano fuit, per incertum stolidior, an vanior legem de pecunia, quam Sulla emptoribus bonorum remiserat,.exigunda promulgavit.
Mais son collègue, cn. lentulus,d'une maison patricienne, et qui portait le surnom de clodianus, promulgua sans qu'on puisse dire s'il se montra plus inconsidéré qu'inconséquent à ses principes une loi partant qu'on exigerait des acheteurs des biens des proscrits toutes les sommes dont sylla leur avait fait la remise.
Cette proposition souleva tous les partisans de sylla.
CCCXXX
Omnes, quibus aetas senecto corpore, animus militaris erat,
Tous ceux qui, malgré leur âge, conservaient dans un corps vieilli l'esprit militaire étaient prêts à se soulever et à renouveler la guerre civile ; car, depuis les sanglantes querelles de sylla et de marius,
CCCXXXI
Qui quidem mos, uti tabes ; in Urbem conjectus
Dans rome était répandue, comme un fléau contagieux, la manie de vouloir tout décider par violence.
Il fallut renoncer à cette ressource dangereuse qu'assurément,
CCCXXXII
Consilii aeger
Bien mal conseillé,lentulus avait cru devoir mettre en avant.
Spartacus, loin de se laisser éblouir par ses succès, s'occupa sérieusement de discipliner la révolte dont il était le chef.
Il promulgua des lois et des statuts tendant à maintenir l'ordre parmi cette foule de gens sans aveu qui l'avaient choisi pour chef.
Ces lois n'avaient dans le principe été faites que pour la lucanie, d'où les fugitifs étaient d'abord sortis en plus grand nombre.
Mais, voyant affluer à son camp les esclaves de l'étrurie et de la gaule cisalpine, spartacus étendit ces règlements à tous les fugitifs des cités gauloises, latines ou étrusques, qui entraient dans la ligue.
Ainsi
CCCXXXIII
Citra Padum omnibus lex Lucania fratra facit.
la loi lucanienne devint commune à tous les fugitifs, même en deçà du Pô.
Pour mettre un frein à la cupidité des esclaves, il établit que, dans son camp,
CCCXXXIV
Neu quis miles, neve pro milite,
Aucun soldat, ni tout autre en faisant les fonctions,n’introduirait aucune matière d'or ou d'argent.
Les levées faites, gellius et lentulus marchent contre les fugitifs.
Spartacus, fidèle à son système de circonspection, ne songe qu'à opérer sa retraite vers les alpes ; mais le chef des Gaulois, crixus,
CCCXXXV
Impotens et nimius animi est ;
Se laisse enfler par le succès, au point de ne se posséder plus ;
il ne rêve que la conquête de rome.
Ses compatriotes partageaient sa présomption.
Ainsi les fugitifs
CCCXXXVI
Dissidere inter se coepere, neque in medium consultare.
Commencèrent à ne plus être d'accord entre eux, et à ne plus tenir conseil en commun.
Mais la division devint plus marquée parmi eux au moment où la présence de deux consuls armés contre eux aurait dû les engager à l'union.
CCCIh
Atque illi certamini conscii, inter se juxta seditionem erant. Crixo et gentis ejusdem Gallis atque Germanis obviam ire et ultro obferre pugnam cupientibus ; contra Spartacum
Ainsi ces fugitifs. tous d'accord pour soutenir la lutte, étaient sur le point d'en venir entre eux à une sédition.
Crixus et ceux de sa nation, gaulois et germains, s'obstinèrent à aller au devant de l'ennemi, et à lui offrir la bataille ; spartacus, au contraire, de continuer son chemin pour exécuter son plan.
Gellius cependant s'était avancé le long de l'apennin.
Crixus, à la tête de ses vingt mille germains ou gaulois, marcha au-devant de lui par la lucanie et l'apulie, et le joignit sur le territoire des samnites.
Là on en vint aux mains.
Dans cette circonstance, la valeur impétueuse des gaulois leur procura un avantage dont ils ne surent pas profiter.
Ils avaient repoussé les romains, qui abandonnèrent leur camp.
Les Barbares y entrèrent, mais n'osèrent pas le piller entièrement pendant la nuit.
CCCXXXVII
Revorsi postero die, multa qui properantes deseruerant in castris, nacti quum se ibi cibo, vinoque laeti invitarent,
Le retour au camp le lendemain , ils trouvèrent quantité de choses que, dans leur précipitation, les romains avaient abandonnées ; et, pendant que, joyeux, ils s'excitaient à boire et à manger,ils furent surpris par les légions aux ordres du préteur arrius, qui les mit en complète déroute.
Crixus fut tué comme il tâchait, à force de valeur, de réparer sa faute.
Cependant spartacus dirigeait sa marche par la branche des apennins qui longe l'étrurie.
Mais il trouva le consul lentulus disposé à lui disputer le passage.
Il résolut de le forcer avant qu'il eût opéré sa jonction avec gellius.
CCCXXXVIII
Igitur legiones pridie in monte positas arcessivit ;
Il fit donc harceler les légions, qui depuis la veille étaient postées sur la montagne ;mais lentulus,
CCCXXXIX
Collegam minorem, et sui cultorem exspectans
attendant son collègue, moins âgé que lui, et qui lui témoignait beaucoup d'égards,n'accepta point la bataille.
Cependant gellius approchait.
Au moyen d'abatis et de tranchées pratiquées dans les défilés, spartacus arrête la marche de cet adversaire comme il était déjà presque à la vue des légions de lentulus, puis il attaqua ce dernier avec impétuosité.
CCCXL
Et eodem tempore Lentulus duplici acie locum editum multo sanguine suorum defensus , postquam ex sarcinis paludamenta adstari et delectae cohortes intelligi coepere,
En même temps lentulus , qui, en présentant un double front, avait su défendre sa position sur une élévation, non sans perdre beaucoup de monde, dès qu'il aperçut la casaque de pourpre sur les bagages de son collègue, et que les cohortes d'élite, commençant à se montrer à ses yeux,débouchaient de la vallée voisine, n'hésita pas à quitter les hauteurs pour accélérer sa jonction avec son collègue ; mais il ne fit que ménager à spartacus une victoire plus facile et plus complète, à la suite de laquelle, afin d'honorer les mânes de crixus, il força
CCCXLI
Oppobrii gratia,
Pour les couvrir d’opprobre quatre cents prisonniers romains de combattre comme gladiateurs autour du bûcher de ce chef.
Malgré ce sucrés, spartacus, toujours éloigné de toute présomption,
CCCXLII
Avidior modo properandi factus
N’en fut que plus empressé à hâter sa marche vers les alpes.
Arrivé sur le pô, un débordement subit arrêta son mouvement vers les alpes, et le força de se replier sur rome.
Le préteur arrius, ayant recueilli les débris des légions dans le picénum, vient au-devant des fugitifs : il leur livre bataille, il est vaincu ; et les romains, dans une déroute complète,
CCCXLIII
Divorsa, uti solet rebus perditis, capessunt. Namque alii fiducia gnaritans locorum occultam fugam, alii globis eruptionem textavere
Prennent, comme il arrive en un pareil désastre, la fuite en diverses directions ; les uns, se fiant à la connaissance des lieux, essayent à se dérober par la fuite ; les autres , se ralliant en petits corps, forcent les passages.
D'autres, ayant sur leur chemin
CCCXLIV
Rursus jumenta nancti ad oppidum ire conntendunt.
Trouvé des bêtes de somme, se hâtent de se réfugier dans la ville voisine.
Ce désastre jette la consternation dans rome.
La foule des citoyens, les femmes, les enfants éperdus.
CCCXLV
Genua Patrum advolvuntur,
Se jettent aux genoux des sénateurs,pour les conjurer de détourner le danger qui menace la ville.
Crassus, alors préteur, se présente : il s'offre à marcher contre les fugitifs .
Sa confiance inspire quelque résolution aux bons citoyens ; ils viennent en grand nombre et s'enrôlent sous ses ordres. Ayant pris
CCCXLVI
Ab his omnes evocatos et centuriones
parmi eux tous les vétérans et centurions retirés du service, il en forme le noyau de ses nouvelles levées.
Il eut avis aussi que les villes latines assemblaient une troupe
CCCXLVII
Quae cis paucos dies juncta in armis foret.
Qui en peu de jours se trouverait réunie sous les armes.
Quae cis paucos dies juncta in armis foret.
A peine sorti de rome, il envoya en avant mummius, son lieutenant, avec ordre de recueillir les débris de l'armée d'arrius, et d'éviter surtout une action avec spartacus.
Mummius n'obéit pas : il fut vaincu ; et crassus, après avoir recueilli les fuyards, sévit contre les troupes de mummius, qui avaient montré de la lâcheté. Il fait décimer les cohortes,
CCCXLVIII
Sorte ductos fusti necat.
Et périr sous le bâton ceux que le sort a désignés.
CCCXLIX
Dein, lenita jam ira, postero die liberalibus verbis permulcti sunt.
Ensuite, sa colère étant apaisée, il réconforta le lendemain ses légionnaires par des paroles encourageantes.
Fidèle au plan qu'il avait prescrit à mummius, après s'être emparé des défilés de l'apennin, il se contente d'observer la marche de spartacus, le harcelant quelquefois, et ne s'arrêtant jamais
CCCL
Ex parte cohortum praecipere instructa, et stationes locatae pro castris,
Sans tirer de chaque cohorte les soldats les mieux dressés, qu'il portait en gardes avancées au-devant de son camp.
Spartacus reconnut qu'il avait un adversaire digne de lui, et il reprit le chemin de la lucanie, suivi d'assez prés par l'armée romaine.
Il voulait regagner son ancienne retraite dans l'abruzze, avec l'espoir de s'y maintenir en prenant position sur l’apennin.
De ce côté,
CCCLI
Omnis Italia coacta in angustias scinditur in duo promontoria bruttium et salentinum.
Toute l'italie, resserrée par un détroit, se termine coupée par deux promontoires, celui du bruttium et celui des salentins.
Il se flattait, à tout événement,
CCCLII
Serum bellum in angusstiis futurum.
Que dans des défilés la guerre pourrait se prolonger.
Spartacus comptait, en outre, passer en sicile sur les vaisseaux des pirates, et transporter le théâtre de la guerre dans cette île où deux fois les esclaves en révolte avaient osé faire tête aux romains.
Serrés de près par l'armée de crassus, les fugitifs
CCCLIII
In silva Sila fugerunt.
Se réfugièrent dans la forêt sila.
Alors spartacus entra en marché avec les pirates, pour qu'ils lui fournissent des bâtiments de passage ; mais ceux-ci, après avoir reçu l'argent, repartirent.
Crassus, pour enfermer spartacus dans la pointe méridionale de l'italie, fit creuser un fossé d’une mer à l'autre.
Dès que ce
CCCLIV
Labos,
Travail,qui employa plusieurs
CCCLV
Luces,
Journées fut achevé, les fugitifs se virent
CCCLVI
Clausi lateribus, altis pedem
Enfermés de tous cotés par un retranchement de [quinze] pieds de profondeur sur autant de large ; nul moyen de s'échapper.
Spartacus songe alors à passer le détroit sur des radeaux ; mais l'entreprise était impossible dans cette mer resserrée.
C'est ici le lieu de parler de la situation relative de la sicile et de l'italie.
A ce sujet, les traditions varient, et la tradition
CCCLVII
In quis longissimo aevo plura de bonis falsa in deterius composuit.
A parmi ces récits, grâce à l'éloignement des temps, rendu encore plus absurdes plusieurs fables tirées
d'un fond de vérité.
CCCLVIII
Otaliam conjunctam Siciliae constat fuisse; et, dum esset una tellus, medium spatium, aut per humilitatem obrutum est aquis, aut propter angustiam scissum,
II est certain que l'italie fut jointe à la sicile ; et, lorsqu'elle ne formait qui un seul continent, l'isthme qui les unissait s'est trouvé ou submergé par les eaux, à cause de son peu d'élévation, ou coupé par elles, à cause de son peu d'étendue,
CCCLIX
Atque hiavit humus vasta et profunda
Et le sol s'entr’ouvrit à une grande profondeur, qui fut aussitôt comblée par les flots de la mer.
CCCLX
Inde Rhegium nominatum.
De là ce lieu a été nommé rhegium.
CCCLXI
Ut autem curvum sit, facit natura mollioris Italiae, in quam asperitas et altitudo Siciliae aestum relidit ;
Ce qui arrondit ce détroit, c'est le gisement du sol de l'italie, qui est plus bas, et la hauteur du sol de la sicile, qui rejette sur cette contrée l'action des vagues,car, à vrai dire, le terrain
CCCLXII
Italia plana et mollis,
De l'italie est peu élevé, et doux à gravir,à l'exception des dépendances de la chaîne de l'apennin.
On prétend que, pour garantir la sicile des débordements auxquels elle se trouvait exposée, ses habitants construisirent, à force de bras, une digue très-élevée. C'est aujourd'hui
CCCLXIII
Pelorum , promontorium Siciliae, respiciens Aquélonem, dictum a gubernatore Annibalis illic sepulto, qui fuerat occisus per regis ignorantiam, quum se ejus dolo crederet esse dereptum, veniens de Petilia
Le cap pélore, situé dans la partie septentrionale de la sicile, ainsi appelé du nom d'un pilote d'hannibal, qui y fut inhumé.
Il fut victime de l'ignorance de son chef, qui, à son retour de petilia, croyait avoir été égaré par la trahison de ce pilote dans ces parages qui lui étaient inconnus,
CCCLXIV
Ad Siciliam vergens faucibus non amplius patet millibus V et XXX.
Le détroit qui forme courbure le long de la sicile n’a pas plus de trente-cinq milles de long.
CCCLXV
Est autem arctissimum trium millium spatio Siciliam ab Italia dividens, fabulosis infame monstris , quibus hinc et inde Scylla et Charybdis ostenditur. Scyllam accolae saxum in mari imminens appellant, simile celebratae formae procul visentibus. Unde et monstruosam speciem fabulaa illi dederunt, quasi formam hominis capitibus succinctam caninis, qui collisi ibi fluctus latratus videntur exprimere.
Dans sa moindre largeur, il sépare la sicile de l'Iitalie sur un espace de trois mille pas.
II est fameux par ces monstres fabuleux, charybde d'un côté, scylla de l'autre, qui se montrent au navigateur.
Les habitants appellent scylla un rocher qui s'élève au-dessus de la mer, et qui, de loin, offre à l'oeil quelque apparence de la forme qu'on lui a tant attribuée : voilà pourquoi la Fable lui a donné l'aspect d'un monstre à forme humaine, entouré de têtes de chiens, parce que les flots, qui se brisent contre cet écueil, font un bruit qui ressemble à des aboiements.
CCCLXVI
Charybdis, mare vorticosum,
autour de charybde la mer forme un gouffre, car elle engloutit tout ce qui s'en approche ; ce qui a donné lieu à la fable d'une femme vorace qui, pour avoir enlevé les boeufs d'Hercule, fut d'un coup de foudre précipitée dans la mer.
Les courants que forment charybde,
CCCLXVII
Quod forte illata naufragia sorbens gurgitibus occultis, millia sexaginta tauromenitana ad litora trahit,
Absorbant par des gouffres cachés les objets naufragés que des accidents y amènent, vont les poster à soixante milles de là, aux ravages de tauromenium,
CCCLXVIII
Ubi se laniata navigia fundo emergunt.
Où les vaisseaux, mis en pièces, ressortent du fond des eaux.
Traverser un pareil détroit sur des radeaux et de faibles embarcations était impossible.
Les fugitifs revinrent donc dans la forêt sila, résolus de forcer, les armes à la main, le fossé creusé par crassus ;
CCCLXIX
Sin vis obsistat, fer o quam fame aequius perituros.
Car, si les efforts de l'ennemi y mettaient obstacle, encore valait-il mieux périr par le fer que par la faim.
Ce coup désespéré réussit ; les fugitifs franchirent la barrière. Le dessein de spartacus était de gagner brindes et de faire une nouvelle tentative pour sortir d'italie par mer ; mais les gaulois, toujours disposés à la révolte, firent de nouveau bande à part, et allèrent camper sur les marais salans de lucanie.
Crassus marche aussitôt au-devant d'eux, les attaque, les bat ; et il en aurait fait un grand carnage, si spartacus, qui survint, n'eut donné à ses ingrats compagnons le temps de se rallier et de se retrancher sur le mont calamarque.
Dans une seconde journée, un détachement romain, aux ordres de pontinius et de marcius rufus, lieutenants de crassus, était au moment de s"emparer, à la faveur de l'obscurité, d'une éminence qui dominait le camp gaulois :
CCCLXX
Quum interim, lumine etiam tum incerto, duae Galliae mulieres conventuum vitantis, ad menstrua solvenda,montem ascendunt
Lorsque, sur l'entrefaite, le jour commençant à peine à poindre, deux femmes gauloises, qui, pour passer leur époque, étaient au moment de se séquestrer de la société, gravirent la hauteur d'un autre côté.
Elles découvrirent la marche du détachement, et donnèrent l'alarme au camp.
Les gaulois, avertis, reçurent si bien ceux qui comptaient les surprendre, qu'ils auraient remporté à leur tour la victoire, si crassus n'était survenu avec le gros de l'armée.
Il choisit, pour les attaquer, un bas-fond humide où l'avantage du terrain était pour lui
CCCLXXI
Simul eos et cunctos jam inclinatos laxitate loci, plures cohortes, atque omnes, ut in secunda re, pariter acre invadunt.
Alors, comme ils étaient tous et chacun en désordre, à cause de la difficulté de se tenir sur leurs pieds dans ce terrain glissant, ils virent tomber sur eux les premières cohortes, puis le reste de l'armée de crassus, avec cette ardeur qui ne manque jamais au soldat quand il est sûr de l'avantage.
Les gaulois furent repoussés et perdirent dix mille hommes.
Dans une seconde action, qui eut lieu le soir même, crassus remporta une seconde victoire sur les fugitifs ; six mille des leurs restèrent encore sur le champ de bataille.
Les romains firent neuf cents prisonniers, et recouvrèrent cinq aigles romaines, vingt-six drapeaux et cinq faisceaux armés. de haches.
Toutefois, à rome, la consternation était extrême, et le peuple demandait à grands cris le rappel de pompée.
Cet heureux général, après avoir détruit ou rallié à ses drapeaux les armées ennemies, n'avait plus qu'à faire rentrer dans l'obéissance les villes jusqu'alors demeurées fidèles au parti de sertorius.
Calagurris seule opposa une résistance invincible.
Les habitants, plutôt que de se rendre, eurent le courage de manger les corps de leurs femmes et de leurs enfants morts de faim ;
CCCLXXII
Parte consumta, reliqua cadaverum ad diuturnitatem usus sallerent.
Et, après avoir consommé une partie des cadavres, ils salèrent le reste, afin de le conserver pour cet usage.
La ville finit par être prise d'assaut, détruite, et les habitants passés au fil de l'épée.
Les romains, en entrant dans la place, trouvèrent
CCCLXXIII
Reliqua cadavera salita.
Le reste des cadavres en salaison.
La ruine de calagurris entraîna la fin de la guerre en espagne.
Metellus alors sortit de la péninsule et
CCCLXXIV
Exercitum dimisit, ut primum Alpes digressus est.
Licencia son armée, dés qu'il eût passé les alpes.
Toujours épris de son importance,
CCCLXXV
Pompeius, devictis Hispanis, tropaea in Pyrenaeis jugis constituit.
Pompée éleva sur les monts pyrénées des trophées, monument de ses victoires sur les espagnols.
C'est à cela qu'il employa ses troupes ; accoutumé qu'il était à braver les lois, il n'eut garde de les licencier.
Spartacus cependant s'était réfugié sur le mont cliban, près de pétélie.
Crassus détache contre lui tremellius scrofa, son questeur, et quinctius, son lieutenant ; ils sont défaits, et, cette victoire inspirant aux fugitifs une confiance funeste, ils forcent leur capitaine à les conduire en lucanie.
C'était aller au-devant des désirs de Crassus, qui voulait vaincre avant l'arrivée de pompée.
Le résultat d'une dernière bataille, que spartacus aurait voulu éviter, fut décisif : il y perd la vie, et sa mort devient la fin de la guerre ; mais dans cette action les fugitifs ont bien fait leur devoir, et aucun d'eux
CCCLXXVI
Haud impigre neque multas occiditur
Ne périt lâchement et sans vengeance
Après le combat, crassus poursuvit les fugitifs jusqu'à ce qu'ils fussent détruits .
On leur donna la chasse comme à des bêtes fauves.
De retour à rome, il reçut l'honneur de l'ovation : on ne crut pas devoir récompenser par le grand triomphe le vainqueur dans une guerre servile.
Cependant
CCCLXXVII
Unus constitit in agro lucano, gnarus loci, nomine Publipor.
Un seul chef des révoltés se maintint dans la lucanie, grâce à la connaissance des lieux ; il se nommait
publipor.
Près de cinq mille esclaves se rallièrent autour de lui.
Déjà il avait fait quelques progrès, lorsqu'un malheureux hasard le fit tomber dans l'armée de pompée, qui revenait d'espagne.
En une seule action, la troupe de publipor fut détruite, et pompée ne craignit pas de mettre ce facile avantage au-dessus des succès bien autrement réels de Crassus.
Ainsi se termina cette guerre honteuse pour Rome, bien qu'en cette occasion elle fût parvenue à vaincre des ennemis dont la valeur personnelle est au-dessus de toute comparaison.
Dans d'autres circonstances, elle avait vaincu facilement de grandes nations pourvues de tous les moyens d'attaque et de défense : ici ce sont des ennemis qui d'esclaves se sont faits hommes, et à qui la plus indomptable fureur fournit des armes.
CCCLXXVIII.
Hi locorum pergnari, etsoliti nectere ea viminibus vasa agrestia, ibi, tum quum inopia scutorum fuerat, ad eam artem se quisque in formam parmae equestris armabat.
Parfaitement au fait des localités, et habitués à recouvrir d'osier des vases agrestes, grâce à cette industrie, chacun d'eux put s'armer d' un bouclier de forme semblable à ceux de la cavalerie.
Ils recouvrirent l'osier avec le cuir des bestiaux qu'ils avaient enlevés dans la campagne,
CCCLXXIX
De pecore coria recens detracta quasi glutino adolescebant.
Et ces cuirs, récemment écorchés, s’y appliquaient sur-le-champ, comme si on les eût collés.
Dernière édition par Paskal le Sam 23 Juin 2018 - 17:09, édité 4 fois