Nichée dans la campagne finistérienne, une commune où les gens ne pensent qu'à s'amuser (comme si ces plaisantins n'avaient pas autre chose de plus sérieux à faire : se ronger les ongles d'angoisse en regardant BFM, s'engueuler avec leurs voisins, recharger leur voiture électrique...) accueille de bien étranges personnages.
Les uns passent le plus clair de leur temps à réparer des chaumines ou élever des chèvres. D'autres taillent des arbres, vendent des bouquins, soignent des fatigués du bulbe, rigolent derrière leur barbe, ou bien, tout bonnement, baillent aux corneilles en bon retraités qu'ils sont.
Tous n'ont qu'une obsession : pousser de non moins étranges petits personnages pendant des heures sur une bizarre table recouverte de neige fraîche.
Vous les aurez aisément reconnus. Des Argaderiens (ou argaderiophiles... l'Académie française n'a pas encore tranché) viennent d'investir sans coup férir, l'entrée de la mairie de Clohars-Carnoët pour participer au festival Lud'Océan.
Une fois n'est pas coutume, le théâtre de leurs exploits se situe en 1812, en pleine retraite de Russie. Là où un groupe de trainards français tente péniblement d'avancer en boitillant sur ce qui lui reste d'arpions.
Ces congelés (cette expression purement météorologique n'est en aucune façon un commentaire déguisé sur leurs qualités tactiques et mentales) sont commandés par le colonel Hubert de la Pattemolle, un officier connu pour sa froideur et le ton glacial qu'il adopte souvent pour parler aux autres
On a beau être galonné, on n'en est pas moins homme. Sous sa tunique raide de gel, le frigorifiant Hubert a aussi un coeur qui bat. L'officier supérieur est en effet follement épris d'Hortense Belledents, une plantureuse comédienne employée jusqu'à présent au théâtre de Moscou mais qui a décidé d'accompagner l'armée française dans sa retraite.
On la comprend. Jouer sur un tas de cendres, ça va bien cinq minutes, hein !
Dissimulée sous une couverture, la bafouilleuse de vers suit comme son ombre son nouveau protecteur qui s'est juré de la ramener saine et sauve en France.
Sage précaution. Car, dans les bois environnants, les bêtes féroces rodent. Loups, ours et autres saletés à quatre pattes.
Fainéant comme à son habitude, notre reporter n'a pas pris le temps de tirer le portrait de la belle Hortense. La voici néanmoins, vue de loin, cachant ses splendides "qualités de coeur" derrière un vieux rideau gris arraché de justesse au moment où son théâtre, commençait à flamber, comme le reste de Moscou.
Non loin de cette triste et pitoyable cohorte, plusieurs chasseurs à cheval de la Garde, qui sont parvenus à garder de leur superbe en dépit de la rigueur du climat, progressent en éclaireurs. Ils constituent l'avant-garde d'une escorte impériale placée sous le commandement du général Albert Tumfech, un rude Lorientais, qu'il ne faut surtout pas prendre pour un perdreau de la veille.
Des lanciers polonais les suivent ainsi que deux bataillons d'infanterie accompagnant tout un aréopage de galonnés.
Personne ne s'en est rendu compte. Mais Napoléon, qui a déjà failli être trucidé par des cosaques, fait partie du groupe. Pour ne pas attirer les regards, il a en effet décidé de revêtir l'uniforme doublé de zibeline d'un banal aide de camp. Son obsession : regagner Paris le plus vite possible, quitte à laisser les restes de la Grande Armée se dépatouiller avec les ruskofs.
Il fallait s'y attendre, au sortir d'une pinède, les chasseurs à cheval et les lanciers polaks tombent sur un village dont les habitants, de vils moujiks malodorants vite rejoints par des cosaques irréguliers, ne paraissent pas animés des meilleures intentions. Haches et fourches sont brandies tandis que les premiers coups de feu éclatent
Les injures et provocations volent des deux côtés : "Résidu de fond d'isba ! "... "Va donc, hé, duconski ! ". Autour de la table de jeu, la tension est difficilement supportable.
Un moujik imaginatif menace même l'ennemi d'une arme secrète : une boule de neige dans laquelle a été fourrée un morceau de purin bien dégoulinant. L'ancêtre de la boule puante, quoi. Gare à celui qui la recevra sur le nez !
Au même moment, les trainards guidés par le colonel de Pattemolle et accompagnés par une escouade de dragons pénètrent au milieu d'une sombre forêt où rodent un tas de bêtes sauvages.
"Hé Wladimir, amène toi, y a de la boustifaille qui approche ! C'est du franzouski. C'est mou. Ca sent pas bon. Mais ça fera quand même l'affaire" crie un vieux loup biélorusse, à l'un de ses pôtes.
Tandis que les premiers échanges de coups de feu alertent des troupes de ligne russes brusquement sorties de leur sieste par tout ce vacarme.
Corneguidouille et hildepute ! L'affaire risque fort de tourner au vinaigre pour les Français
De fait, cela va vite défourailler sec autour du village d'Isbaskaïa. Un village défendu aussi bien par ses habitants que par des unités de cosaques et tout une brigade à la tête de laquelle a pris place le fier général comte Général comte Miroslav Alexeiev Aliokhine.
Ce galonné de haut vol a été chargé d'une mission fort secrète par le grand duc Constantin, frère du tsar de Russie en personne : récupérer la belle Hortense avec laquelle ce pendard de Constantin aurait noué des liens quelque peu libidineux.
Qu'esse tu veux mon pote ? Chez les Romanov, on résiste difficilement à une séance de saute-au-paf.
Bref, en un mot comme en cent. Ca cartonne de tous les côtés
Ce furieux affrontement laisse le temps aux loups du coin ainsi qu'à un de leurs copains ours de boulotter tranquillement les chevaux et trainards qui leur tombent sous les crocs
Tandis qu'une maison du village est transformée en bunker et en redoutable stand de tir aux pigeons par le général cosaque Nikolaï Oleksandr Puskarenko.
Cet impitoyable combattant pâtit d'une injuste réputation de psychopathe sanguinaire autour des tables de wargame.
Le rude Nikolaï Oleksandr préfèrerait en effet cent fois faire du tricot, des cocottes en papier ou bien pêcher le gardon dans le Blavetskof.
Hélas, mille fois hélas, il se trouve aujourd'hui dans l'obligation de venger l'honneur de sa petite nièce, Maria Ivanovna Vazyplutôtenski.
La fraîche jeune fille, qui s'apprêtait à entrer dans les ordres, a en effet été déniaisée par un groupe d'officiers français lorsque la Grande Armée a commencé à franchir la frontière russe.
Le drame a perturbé à tel point la pauvrette que celle-ci présente désormais chaque soir un surprenant numéro de claquettes sur échasses dans un bouge interlope des bas fonds de Vladivostock. Aaaaargh ! Misère et décadence de certaines destinées !
Cela étant étant, bien d'autres personnages peuvent également connaitre un destin tragique. Tels ces trainards qui, pour éviter la fureur des combat, ont décidé de franchir la rivière gelée qui les séparait du village.
Lourde erreur. Car la glace, aussi épaisse qu'une promesse de politicien, a vite craqué sous leurs pieds.
Et je ne parle pas des artilleurs russes, tellement bourrés et incapables d'envoyer un boulet correctement sur les Français, que le peloton d'exécution les attend immanquablement dès leur retour à la caserne
Au final, en dépit de la combativité des Russes dont les troupes de ligne préfèrent retraiter, les colonnes françaises, même fortement diminuées, résussissent à gagner le gué de la Bérézina vers lequel elles s'acheminent.
Cela, sans que Napoléon soit reconnu par ses ennemis (malgré 54522565278 jets de dé, il n'a pas été démasqué) ou que la belle Hortense soit récupérée par le grand duc Constantin, contraint à son grand dam, de se la mettre sous le bras. Nom d'une baba yaga vérolée ! Y a vraiment des jours où ça le fait pas. .
Les uns passent le plus clair de leur temps à réparer des chaumines ou élever des chèvres. D'autres taillent des arbres, vendent des bouquins, soignent des fatigués du bulbe, rigolent derrière leur barbe, ou bien, tout bonnement, baillent aux corneilles en bon retraités qu'ils sont.
Tous n'ont qu'une obsession : pousser de non moins étranges petits personnages pendant des heures sur une bizarre table recouverte de neige fraîche.
Vous les aurez aisément reconnus. Des Argaderiens (ou argaderiophiles... l'Académie française n'a pas encore tranché) viennent d'investir sans coup férir, l'entrée de la mairie de Clohars-Carnoët pour participer au festival Lud'Océan.
Une fois n'est pas coutume, le théâtre de leurs exploits se situe en 1812, en pleine retraite de Russie. Là où un groupe de trainards français tente péniblement d'avancer en boitillant sur ce qui lui reste d'arpions.
Ces congelés (cette expression purement météorologique n'est en aucune façon un commentaire déguisé sur leurs qualités tactiques et mentales) sont commandés par le colonel Hubert de la Pattemolle, un officier connu pour sa froideur et le ton glacial qu'il adopte souvent pour parler aux autres
On a beau être galonné, on n'en est pas moins homme. Sous sa tunique raide de gel, le frigorifiant Hubert a aussi un coeur qui bat. L'officier supérieur est en effet follement épris d'Hortense Belledents, une plantureuse comédienne employée jusqu'à présent au théâtre de Moscou mais qui a décidé d'accompagner l'armée française dans sa retraite.
On la comprend. Jouer sur un tas de cendres, ça va bien cinq minutes, hein !
Dissimulée sous une couverture, la bafouilleuse de vers suit comme son ombre son nouveau protecteur qui s'est juré de la ramener saine et sauve en France.
Sage précaution. Car, dans les bois environnants, les bêtes féroces rodent. Loups, ours et autres saletés à quatre pattes.
Fainéant comme à son habitude, notre reporter n'a pas pris le temps de tirer le portrait de la belle Hortense. La voici néanmoins, vue de loin, cachant ses splendides "qualités de coeur" derrière un vieux rideau gris arraché de justesse au moment où son théâtre, commençait à flamber, comme le reste de Moscou.
Non loin de cette triste et pitoyable cohorte, plusieurs chasseurs à cheval de la Garde, qui sont parvenus à garder de leur superbe en dépit de la rigueur du climat, progressent en éclaireurs. Ils constituent l'avant-garde d'une escorte impériale placée sous le commandement du général Albert Tumfech, un rude Lorientais, qu'il ne faut surtout pas prendre pour un perdreau de la veille.
Des lanciers polonais les suivent ainsi que deux bataillons d'infanterie accompagnant tout un aréopage de galonnés.
Personne ne s'en est rendu compte. Mais Napoléon, qui a déjà failli être trucidé par des cosaques, fait partie du groupe. Pour ne pas attirer les regards, il a en effet décidé de revêtir l'uniforme doublé de zibeline d'un banal aide de camp. Son obsession : regagner Paris le plus vite possible, quitte à laisser les restes de la Grande Armée se dépatouiller avec les ruskofs.
Il fallait s'y attendre, au sortir d'une pinède, les chasseurs à cheval et les lanciers polaks tombent sur un village dont les habitants, de vils moujiks malodorants vite rejoints par des cosaques irréguliers, ne paraissent pas animés des meilleures intentions. Haches et fourches sont brandies tandis que les premiers coups de feu éclatent
Les injures et provocations volent des deux côtés : "Résidu de fond d'isba ! "... "Va donc, hé, duconski ! ". Autour de la table de jeu, la tension est difficilement supportable.
Un moujik imaginatif menace même l'ennemi d'une arme secrète : une boule de neige dans laquelle a été fourrée un morceau de purin bien dégoulinant. L'ancêtre de la boule puante, quoi. Gare à celui qui la recevra sur le nez !
Au même moment, les trainards guidés par le colonel de Pattemolle et accompagnés par une escouade de dragons pénètrent au milieu d'une sombre forêt où rodent un tas de bêtes sauvages.
"Hé Wladimir, amène toi, y a de la boustifaille qui approche ! C'est du franzouski. C'est mou. Ca sent pas bon. Mais ça fera quand même l'affaire" crie un vieux loup biélorusse, à l'un de ses pôtes.
Tandis que les premiers échanges de coups de feu alertent des troupes de ligne russes brusquement sorties de leur sieste par tout ce vacarme.
Corneguidouille et hildepute ! L'affaire risque fort de tourner au vinaigre pour les Français
De fait, cela va vite défourailler sec autour du village d'Isbaskaïa. Un village défendu aussi bien par ses habitants que par des unités de cosaques et tout une brigade à la tête de laquelle a pris place le fier général comte Général comte Miroslav Alexeiev Aliokhine.
Ce galonné de haut vol a été chargé d'une mission fort secrète par le grand duc Constantin, frère du tsar de Russie en personne : récupérer la belle Hortense avec laquelle ce pendard de Constantin aurait noué des liens quelque peu libidineux.
Qu'esse tu veux mon pote ? Chez les Romanov, on résiste difficilement à une séance de saute-au-paf.
Bref, en un mot comme en cent. Ca cartonne de tous les côtés
Ce furieux affrontement laisse le temps aux loups du coin ainsi qu'à un de leurs copains ours de boulotter tranquillement les chevaux et trainards qui leur tombent sous les crocs
Tandis qu'une maison du village est transformée en bunker et en redoutable stand de tir aux pigeons par le général cosaque Nikolaï Oleksandr Puskarenko.
Cet impitoyable combattant pâtit d'une injuste réputation de psychopathe sanguinaire autour des tables de wargame.
Le rude Nikolaï Oleksandr préfèrerait en effet cent fois faire du tricot, des cocottes en papier ou bien pêcher le gardon dans le Blavetskof.
Hélas, mille fois hélas, il se trouve aujourd'hui dans l'obligation de venger l'honneur de sa petite nièce, Maria Ivanovna Vazyplutôtenski.
La fraîche jeune fille, qui s'apprêtait à entrer dans les ordres, a en effet été déniaisée par un groupe d'officiers français lorsque la Grande Armée a commencé à franchir la frontière russe.
Le drame a perturbé à tel point la pauvrette que celle-ci présente désormais chaque soir un surprenant numéro de claquettes sur échasses dans un bouge interlope des bas fonds de Vladivostock. Aaaaargh ! Misère et décadence de certaines destinées !
Cela étant étant, bien d'autres personnages peuvent également connaitre un destin tragique. Tels ces trainards qui, pour éviter la fureur des combat, ont décidé de franchir la rivière gelée qui les séparait du village.
Lourde erreur. Car la glace, aussi épaisse qu'une promesse de politicien, a vite craqué sous leurs pieds.
Et je ne parle pas des artilleurs russes, tellement bourrés et incapables d'envoyer un boulet correctement sur les Français, que le peloton d'exécution les attend immanquablement dès leur retour à la caserne
Au final, en dépit de la combativité des Russes dont les troupes de ligne préfèrent retraiter, les colonnes françaises, même fortement diminuées, résussissent à gagner le gué de la Bérézina vers lequel elles s'acheminent.
Cela, sans que Napoléon soit reconnu par ses ennemis (malgré 54522565278 jets de dé, il n'a pas été démasqué) ou que la belle Hortense soit récupérée par le grand duc Constantin, contraint à son grand dam, de se la mettre sous le bras. Nom d'une baba yaga vérolée ! Y a vraiment des jours où ça le fait pas. .
Dernière édition par SIR JACK le Mer 1 Mai 2024 - 20:58, édité 1 fois