Tout vient à point à qui sait attendre. Voilà le CR de la bataille du fort de Penthièvre. Ruses, fourberies et coups du sort étaient à l'ordre du jour. Mais c'est ça qui est bon, non?
Juillet 1795. Erasme Gaspard de Contades est chargé de défendre le fort de Penthièvre après le décès du comte d'Hervilly, un atrabilaire comme on n'en fait plus.
Depuis quelques jours déjà, les troupes d’émigrés royalistes arrivées d’Angleterre se sont retranchées dans la presqu’île de Quiberon où l’armée du général Hoche les maintient enfermées.
La situation est d’autant plus difficile à supporter que cette langue de terre faite de sable et de roc possède peu de ressources en eau et qu'elle s’avère incapable de nourrir les milliers de combattants et de civils qui s’y retrouvent piégés. Qu’il s’agisse des régiments royalistes rassemblés outre-Manche à l’initiative du comte de Puisaye comme des chouans, encore très nombreux et souvent venus là avec leurs familles.
Soucieux de se prémunir au mieux contre une attaque républicaine, Erasme de Contades inspecte avec un aide de camp les abords de l’imposante plateforme d’artillerie que les républicains ont eu l’outrecuidance de baptiser « fort sans-culotte ». La peste soit de ces coupeurs de têtes !
Tandis qu’une patrouille royaliste vêtue d’uniformes rouges (comme beaucoup de régiments d’émigrés soldés par les Anglais) s’apprête à entrer dans le camp que domine le fort, Contades voit s’approcher de lui un officier républicain. L'homme lui semble adopter une attitude sinon amicale, du moins pacifique.
« Nous sommes adversaires, mais aussi entre galonnés. Donc entre gens de bonne compagnie. Allons donc voir quel chant va nous siffler ce merle-là » se dit le nobliau, poussé par la curiosité. De son côté, le « bleu », se fait exactement la même réflexion.
Surprise et moment de gène. Les deux hommes se connaissent. Ils sont même cousins ! L’officier républicain n’est autre que François-Joseph le Breton, issu d’une famille de petite noblesse bretonne et séduit par les idées nouvelles.
Un brave garçon dont la jeune sœur, Apolline, fait battre immodérément le cœur du blanc Erasme. Autant d’excellentes raisons pour que les feux ferrailleurs engagés dans des camps opposés cherchent (discrètement) à se protéger mutuellement si une bataille se déclare. Ce qui ne va pas être coton.
Mais laissons là cette touchante réunion de famille pour porter nos regards vers l’autre extrémité du camp retranché. Camp vers lequel s’avancent quelques paysans affamés.
Leur but : tenter de percer les lignes bleues pour aller récupérer un peu de poiscaille et quelques tonneaux de cidre dans le village tout proche de Saint Pierre. Car, dans la presqu’île transformée en piège à rats par les républicains, les denrées commencent sérieusement à manquer.
Les laissera-t-on passer ? Les émigrés royalistes et les chouans qui occupent le camp mènent bonne garde ne paraissent guère s’opposer à leur passage. Car tout le monde a grand faim et soif ici.
Drôle d’alliance d’ailleurs que celle qui unit les émigrés et les chouans. Les premiers éprouvent un profond mépris pour des gueux en sabots dont ils entendent se faire obéir sans discussion. Tandis que les seconds n’écoutent que leurs capitaines de villages et n’ont pas oublié le total manque de soutien qui leur a été apporté lors des accrochages survenus ces jours derniers avec les bleus.
Bref, réunir nobliaux et rustauds, c’est comme servir une crêpe Suzette en même temps qu'une galette-saucisse, mélanger le Chambertin avec un fond de tonneau de cidre, aborder un menuet sur un air de bombarde. Y a forcément des couacs.
On l’aura compris, a priori, le risque est grand de voir Contades et Le Clec’h chercher à se crêper le chignon.
Sauf, bien sûr, si les intéressés en décident autrement… Car l’alerte vient soudain de résonner à l’entrée de la presqu’île : les Républicains, conduits par Hoche en personne et répartis en trois colonnes, se lancent en effet à l’attaque du fort.
Gasp und hildepute ! AUX AAAAARMES ! La défense s’organise sans tarder
De leur côté, les bleus avancent vers le fort en entonnant la Marseillaise. Une délicate initiative qui enchante au passage le capitaine Rouget de Lisle, un barde de Lons-le-Saulnier, qui fait partie de l’état-major de Hoche (véridique).
A la gauche du dispositif républicain, une colonne équipée d’échelles passe par la plage.
Au centre, le gros des troupes est mené par ce fier à bras de Lazare en personne
A droite enfin, une dernière colonne est guidée par un transfuge vers un chemin secret permettant de franchir les grandes falaises sur lesquelles la plateforme d’artillerie du fort de Penthièvre est installée.
Une troupe qui se fait une joie de fusiller au passage une partie des paysans affamés ayant réussi à quitter le camp retranché afin de chercher de la nourriture. « Ils n’ont pas de pain ? Qu’ils mangent du plomb ! ».
Ce crime de guerre ne va pas rester longtemps impuni. Car une chaloupe canonnière anglaise rode le long du rivage. Les godons s’empressent d’envoyer quelques boulets assassins vers les bleus, qui vont payer cher leur cruauté.
Informé par un espion (qui s’était glissé dans le groupe de paysans) que le piteux Puisaye, commandant en chef de l’expédition royaliste, se trouve dans le hameau tout proche de Kerostin, Hoche n’en incite pas moins ses hommes à redouble d’énergie. L’assaut contre le camp retranché se fait général.
La mêlée devient d’autant plus sanglante qu’une fusée tirée (non sans mal, la peste soit des dés foireux !) à partir du camp républicain donne le signal à la patrouille royaliste qui venait d’entrer dans le camp retranché de tomber le masque.
Cette patrouille était en effet composée de… soldats républicains ayant revêtu les uniformes de royalistes tués ces jours derniers au combat !
Stupeur et moment de doute chez les blancs. La partie risque d’être serrée se dit Contades en voyant ses troupes tomber comme à Kergravelotte. Un drapeau blanc est même capturé par les bleus qui en deviennent rouges d’émotion.
Les républicains n’ont pas pour autant gagné la partie. Car Blad et Tallien, les tonitruants représentants en mission qui accompagnent l’état-major bleu se mêlent soudain de vouloir jouer les tacticiens … et de donner leurs propres ordres aux bataillons qui s’avancent vers les royalistes ( 1-2 au dé, plus personne n’avance. 3-4, la troupe va à droite. 5, elle pivote sur sa gauche) .
Autant de consignes erratiques qui commencent à mettre le souk dans le dispositif des assaillants.
Dans le même temps, la colonne de gauche, quelque peu oublieuse, trouve le moyen de se faire piquer son échelle par des chouans taquins qui l’attendent au sommet d’une falaise. Ronan Le Clec’h et ses potes n’en finissent plus de rigoler derrière leurs faux.
La pression républicaine se fait néanmoins de plus en plus forte. Une deuxième ligne de défense, essentiellement composée de chouans, doit être établie par les royalistes. Tandis que ces derniers s’empressent d’envoyer des émissaires à l’autre bout de la table, dans le hameau de Kerostin, afin de demander à Puisaye de leur envoyer des renforts. Un appel à l’aide que le chef royaliste, qui dort du sommeil du Juste (re-véridique) refuse dans un premier temps d’écouter.
Les renforts blancs (dont la nature est décidée sur un jet de dé) finissent néanmoins par débouler dare-dare. Et cette fois-ci, c’est aux républicains de souffrir et de pleurer leur race.
Dans le même temps, bien que mise à mal par le feu de la chaloupe canonnière, la colonne républicaine de droite réunit à escalader la falaise. Mais, faute d’effet de surprise, elle se fait fusiller à bout portant par une solide défense royaliste qui l’attend de pied ferme. Les bleus échouent à prendre le fort.
Plus bas, c’est la boucherie. Re-combats acharnés et re-mêlée sanglante. En dépit de nombreuses pertes, les troupes républicaines qui ont donné l’assaut au centre parviennent à franchir les palissades entourant le camp retranché.
Cela étant, les royalistes leur réservent un chien de leur chienne. Car un chariot bourré de tonneaux de poudre a été amené par leurs soins de Kerostin. En principe, il doit permettre aux canons du fort de se réapprovisionner. Mais Contades et Le Clec’h vont en faire un tout autre usage.
Dès que le chariot s’approche de la furieuse mêlée que se livrent bleus et blancs, une mèche est discrètement allumée (un jet secret de dé lancé par le maitre de jeu décide de sa longueur).
Tout aussi discrètement, chouans et royalistes s’écartent de l’attelage, tandis que les républicains cherchent à s’en emparer.
Un tour de jeu, rien. Un autre tour de jeu, toujours rien. Ben alors, ça vient ou quoi ? Personne ne le sait, mais la mèche est longue.
L’explosion se produit au troisième tour. Elle fait un carnage chez les Carmagnoles. La messe est dite. Contrairement à ce qui s’est passé en 1795, le fort de Penthièvre reste entre les mains de blancs. Vive le roi !
PS : Pour la petite histoire, dans la fureur des combats, Contades a été tué. Il n’épousera donc pas la frangine de son cousin républicain. Mais quoi ! La victoire vaut bien une donzelle !Re-PS : Ce drame affreux s'est noué sous les yeux esbaudis et terrifiés des visiteurs de tous âges du salon du modélisme organisé à Séné.