Juillet 1795. A Vannes, l’émoi règne chez les patauds. Disons-le tout net. C’est même la panique.
Albert Tumefèche, récemment nommé commissaire de la République en Morbihan, vient d’apprendre avec horreur et consternation qu’un énorme stock de galettes-saucisses convoyé vers le chef-lieu du département a été dérobé par des paysans de la région de Carnac.
« Ches chaletés de chouans commenchent à me faire ch…» grommelle Tumefech, dont le léger acchent chuintant traduit de cholides orichines puy-de-domesques.
La République est juste, fraternelle… mais impitoyable.
Ulcéré (pardon, ulchéré) à l’idée que des royalistes en bragou braz et sabots puissent boulotter en ricanant ces mets subtils destinés aux représentants de la Nation, Tumefèche trépigne dans son bureau, une ancienne chapelle dédiée désormais à la déesse Raison et au culte immodéré du chouchen.
Illico, le citoyen commissaire convoque son adjoint, l’efficace et très teigneux Isidore Fermtag. Celui-là même dont l'un descendants figurera par la suite en bonne place dans l'excellent feuilleton radiophonique, "le Zbiglotron" animé par Pierre Dac. Ceci dit pour la petite histoire.
Mais, trève de digressions, revenons à nos paysans porteurs de peaux de mouton.
« Faut chévir. Des têtes doivent tomber, corneguidouille ! » rugit le représentant de l’ordre tandis que Fermtag – comme à son habitude et comme son nom l’indique – se tient silencieux devant le patron.
Des troupes sont vite mobilisées : gendarmes, fantassins, artilleurs… Tout ce que l’on peut racler comme zigouilleurs empanachés dans les casernes républicaines environnantes.
En route vers Carnac ! Ce soir, la « veuve » et son rasoir national vont avoir du boulot.
La paisible campagne morbihannaise...
...résonne soudain du cliquetis menaçant des baïonnettes bleues ainsi que l'inquiétant raclement que produisent leurs souliers aux semelles décollées sur les chemins caillouteux. Faut dire aussi que le bourgeois vannetais chargé d'approvisionner les troupes en godasses est en train de se faire du gras sur le dos de la République, comme le feront plus tard ses descendants sur celui des touristes
Mal en prend aux républicains. Car, les soldats des régiments royalistes d'Hervilly et de Damas, tout juste débarqués par les Anglais sur la presqu'île de Quiberon, adorent eux aussi la galette-saucisse. Il est vrai que ça les change sacrément du rôti de veau à la menthe et à la bière tiède servi dans les tavernes de Londres. Du coup, les émigrés sont bien décidés à protéger le butin chopé par leurs potes chouans. Le choc des gourmets s'annonce effroyable.
Les chouans partageront-ils effectivement leurs délicieuses galettes ? On verra ça plus tard. Pour le moment, l'heure est à la mobilisation générale. Le tocsin sonne dans toutes les paroisses. Sus aux patauds ! Vive le roi et gloire à la saucisse !
Les manœuvres débutent. Le régiment de Damas s'apprête à prendre position sur une colline où une chapelle a été dédiée à Saint Glinglin qui, selon un vieux proverbe breton, "remet toujours les miracles à demain".
Les Républicains, eux, s'abritent derrière les murets jalonnant la lande de Quiberon.
Les premiers coups de feu éclatent. Le plomb vole, les injures aussi.
Y a pas à dire. La haine est palpable dans le sous-sol où j'ai installé ma table de jeu.
L'affrontement s'annonce également terrible à l'aile gauche où une unité de gendarmerie est opposée à tout un paquet de régiments émigrés.
Mais aussi au centre où quelques soldats d'infanterie de ligne perdus dans le dédale des chemins creux, ne vont pas tarder à goûter aux faux et aux fourches de deux bandes chouannes qui déboulent la bave aux lèvres et le mors aux dents.
Même entre les généraux ennemis, la tension est insoutenable. Charles de l'Historic, commandant des troupes royalistes, multiplie les assauts fougueux. Tandis que le commissaire Tumefèche, votre serviteur, se fend de moult quolibets quand l'adversaire foire ses tirs en même temps que ses jets de dés.
Ca sent la poudre. Une fumée cotonneuse envahit le champ de bataille. On se canarde de toutes parts
Côté républicain, un canon participe même à la rumba sanglante.
A cause d'un mauvais placement et d'un tir trop court, l'engin rate toutefois les blancs et manque de peu les bleus.
"Raaaah ! Donnewetter und Hildepute ! " ralougne Tumefèche, qui a aussi combattu la tyrannie sur les frontières de l'Est et dans la région de Mont-de-Marsan
Vient alors l'heure effroyable des corps à corps.
Dans la lande, les régiments royalistes vont se faire hacher fin, fin, fin et dérouter. La colline et sa chapelle finiront aux mains des troupes républicaines qui, elles, n'en déplaisent à Saint Glin-Glin, ne remettent jamais rien à demain.
Au centre, dans les bois, c'est une autre paire de manche. Là, ce sont les bleus qui ne rigolent pas. Submergée par le nombre, leur unité se fait littéralement massacrer. Ce qui n'empêche pas son lieutenant, sur un bon jet de dés lié au test de bravoure, de continuer à tenir bon et à faire face aux fourches. Brave garçon, va ! T'auras une médaille en chocolat.
Au passage, on notera cependant la belle aptitude de l'une des colonnes républicaines à franchir, grâce à de remarquables jets de dés, les obstacles qui fourmillent dans le bocage.
Il est vrai que cette troupe a remporté la médaille d'or lors de l'épreuve de course de haies disputée au cours des Jeux Olympiques de 1794 organisés à Locoal-Mendon. Les seuls JO qui aient jamais eu lieu en Bretagne. Ceci explique sans doute cela.
Au final, en dépit d'une tentative de débordement des blancs, force restera aux bleus qui, outre la colline de Saint Glin Glin, s'empareront également d'une bâtisse désignée comme objectif.
Cet avantage tactique ne leur permettra pas pour autant de mettre la main sur les galettes-saucisses tant convoitées. Bédame ! C'est que ça boulotte vite, un Breton.
Albert Tumefèche, récemment nommé commissaire de la République en Morbihan, vient d’apprendre avec horreur et consternation qu’un énorme stock de galettes-saucisses convoyé vers le chef-lieu du département a été dérobé par des paysans de la région de Carnac.
« Ches chaletés de chouans commenchent à me faire ch…» grommelle Tumefech, dont le léger acchent chuintant traduit de cholides orichines puy-de-domesques.
La République est juste, fraternelle… mais impitoyable.
Ulcéré (pardon, ulchéré) à l’idée que des royalistes en bragou braz et sabots puissent boulotter en ricanant ces mets subtils destinés aux représentants de la Nation, Tumefèche trépigne dans son bureau, une ancienne chapelle dédiée désormais à la déesse Raison et au culte immodéré du chouchen.
Illico, le citoyen commissaire convoque son adjoint, l’efficace et très teigneux Isidore Fermtag. Celui-là même dont l'un descendants figurera par la suite en bonne place dans l'excellent feuilleton radiophonique, "le Zbiglotron" animé par Pierre Dac. Ceci dit pour la petite histoire.
Mais, trève de digressions, revenons à nos paysans porteurs de peaux de mouton.
« Faut chévir. Des têtes doivent tomber, corneguidouille ! » rugit le représentant de l’ordre tandis que Fermtag – comme à son habitude et comme son nom l’indique – se tient silencieux devant le patron.
Des troupes sont vite mobilisées : gendarmes, fantassins, artilleurs… Tout ce que l’on peut racler comme zigouilleurs empanachés dans les casernes républicaines environnantes.
En route vers Carnac ! Ce soir, la « veuve » et son rasoir national vont avoir du boulot.
La paisible campagne morbihannaise...
...résonne soudain du cliquetis menaçant des baïonnettes bleues ainsi que l'inquiétant raclement que produisent leurs souliers aux semelles décollées sur les chemins caillouteux. Faut dire aussi que le bourgeois vannetais chargé d'approvisionner les troupes en godasses est en train de se faire du gras sur le dos de la République, comme le feront plus tard ses descendants sur celui des touristes
Mal en prend aux républicains. Car, les soldats des régiments royalistes d'Hervilly et de Damas, tout juste débarqués par les Anglais sur la presqu'île de Quiberon, adorent eux aussi la galette-saucisse. Il est vrai que ça les change sacrément du rôti de veau à la menthe et à la bière tiède servi dans les tavernes de Londres. Du coup, les émigrés sont bien décidés à protéger le butin chopé par leurs potes chouans. Le choc des gourmets s'annonce effroyable.
Les chouans partageront-ils effectivement leurs délicieuses galettes ? On verra ça plus tard. Pour le moment, l'heure est à la mobilisation générale. Le tocsin sonne dans toutes les paroisses. Sus aux patauds ! Vive le roi et gloire à la saucisse !
Les manœuvres débutent. Le régiment de Damas s'apprête à prendre position sur une colline où une chapelle a été dédiée à Saint Glinglin qui, selon un vieux proverbe breton, "remet toujours les miracles à demain".
Les Républicains, eux, s'abritent derrière les murets jalonnant la lande de Quiberon.
Les premiers coups de feu éclatent. Le plomb vole, les injures aussi.
Y a pas à dire. La haine est palpable dans le sous-sol où j'ai installé ma table de jeu.
L'affrontement s'annonce également terrible à l'aile gauche où une unité de gendarmerie est opposée à tout un paquet de régiments émigrés.
Mais aussi au centre où quelques soldats d'infanterie de ligne perdus dans le dédale des chemins creux, ne vont pas tarder à goûter aux faux et aux fourches de deux bandes chouannes qui déboulent la bave aux lèvres et le mors aux dents.
Même entre les généraux ennemis, la tension est insoutenable. Charles de l'Historic, commandant des troupes royalistes, multiplie les assauts fougueux. Tandis que le commissaire Tumefèche, votre serviteur, se fend de moult quolibets quand l'adversaire foire ses tirs en même temps que ses jets de dés.
Ca sent la poudre. Une fumée cotonneuse envahit le champ de bataille. On se canarde de toutes parts
Côté républicain, un canon participe même à la rumba sanglante.
A cause d'un mauvais placement et d'un tir trop court, l'engin rate toutefois les blancs et manque de peu les bleus.
"Raaaah ! Donnewetter und Hildepute ! " ralougne Tumefèche, qui a aussi combattu la tyrannie sur les frontières de l'Est et dans la région de Mont-de-Marsan
Vient alors l'heure effroyable des corps à corps.
Dans la lande, les régiments royalistes vont se faire hacher fin, fin, fin et dérouter. La colline et sa chapelle finiront aux mains des troupes républicaines qui, elles, n'en déplaisent à Saint Glin-Glin, ne remettent jamais rien à demain.
Au centre, dans les bois, c'est une autre paire de manche. Là, ce sont les bleus qui ne rigolent pas. Submergée par le nombre, leur unité se fait littéralement massacrer. Ce qui n'empêche pas son lieutenant, sur un bon jet de dés lié au test de bravoure, de continuer à tenir bon et à faire face aux fourches. Brave garçon, va ! T'auras une médaille en chocolat.
Au passage, on notera cependant la belle aptitude de l'une des colonnes républicaines à franchir, grâce à de remarquables jets de dés, les obstacles qui fourmillent dans le bocage.
Il est vrai que cette troupe a remporté la médaille d'or lors de l'épreuve de course de haies disputée au cours des Jeux Olympiques de 1794 organisés à Locoal-Mendon. Les seuls JO qui aient jamais eu lieu en Bretagne. Ceci explique sans doute cela.
Au final, en dépit d'une tentative de débordement des blancs, force restera aux bleus qui, outre la colline de Saint Glin Glin, s'empareront également d'une bâtisse désignée comme objectif.
Cet avantage tactique ne leur permettra pas pour autant de mettre la main sur les galettes-saucisses tant convoitées. Bédame ! C'est que ça boulotte vite, un Breton.
Dernière édition par SIR JACK le Mar 2 Juil 2019 - 0:21, édité 5 fois