Salut à tous !
Un "petit" rappel du contexte historique de l'un de mes principaux projets 28mm
Notez que je n'entre pas dans les détails, je vous donnerez par contre une bibliographie indicative à la fin du texte.
Pour l'instant, c'est le contexte historique, ensuite j'ajouterai un texte expliquant comment j'ai travaillé sur la transposition de cette épopée à la fois cruelle et fascinante sur une table de jeu ...
Bonne lecture !
Allons y ...
Mais pourquoi donc les Portugais s’évertuent-ils à se rendre en Inde !?
Un "petit" rappel du contexte historique de l'un de mes principaux projets 28mm
Notez que je n'entre pas dans les détails, je vous donnerez par contre une bibliographie indicative à la fin du texte.
Pour l'instant, c'est le contexte historique, ensuite j'ajouterai un texte expliquant comment j'ai travaillé sur la transposition de cette épopée à la fois cruelle et fascinante sur une table de jeu ...
Bonne lecture !
Allons y ...
Mais pourquoi donc les Portugais s’évertuent-ils à se rendre en Inde !?
En 1500, la Reconquista est définitivement terminée : le Royaume de Grenade est tombé aux mains de la Monarchie Espagnole (Castille & Aragon). Le Royaume de Portugal est « coincé » tout à l’Ouest de l’Europe, il ne peut s’étendre vers l’Est son voisin espagnol est bien trop puissant. Il est peu peuplé (1 million d’habitants) et ne peut se permettre d’engager d’importants effectifs dans une quelconque entreprise. Mais sa noblesse est turbulente, veut briller par les armes. En Méditerranée, les marchands Italiens dominent et les marchands Portugais veulent ouvrir de nouveaux marchés. Et enfin, l’Italien Christophe Colomb a découvert en 1492 un nouveau continent, que l’on appellera Amérique, pour le compte de la Monarchie Espagnole ! Galère !
2 voies vont se présenter aux Portugais : le prolongement de la Reconquista au Maghreb , plus précisément au Maroc , où la noblesse pourra exercer son métier des armes et ramener du butin , et l’exploration des îles de l’Atlantique et des côtes de l’Afrique , avec l’espoir de razzier des esclaves , de trouver quelques îles à coloniser et exploiter , et pourquoi pas sur le continent africain trouver de l’or et autres matières précieuses comme l’ivoire …
Sous l’impulsion notable du Prince Henri le Navigateur, les explorations sont lancées : les iles de Madère (1419) puis des Açores (1427-52) sont découvertes, explorées, colonisées, exploitées (Céréales et sucre): elles serviront de relais pour les futurs explorations … Sur la côte Africaine le Cap Bojador est atteint en 1434.
L’utilisation de Caravelles, plus petites que les caraques et ce faisant ayant un tirant d’eau plus faible facilitant l’exploration côtière, et grâce à leur gréement comportant des voiles latines, pouvant remonter le vent, permet aux marins portugais de s’enhardir !
En 1444 le Cap Vert est atteint. En 1460 à la mort d’Henri le Navigateur, les Portugais ont atteint le Golfe de Guinée. En 1488, une étape décisive est franchie : Bartolomeu Dias double la pointe Sud de l’Afrique : il entre dans l’Océan Indien !
Les explorations cessent alors … pour un temps du moins .Il faut savoir qu’il existe à la cour du Portugal, et existera toujours, 2 partis opposés : l’un déplorera les dépenses occasionnées par ces expéditions maritimes et leurs bénéfices par trop hasardeux, et l’autre poussera dans le sens de l’expansion maritime.
Mais en 1495, Manuel 1er monte sur le trône, après la mort ou l’éviction de plusieurs héritiers légitimes. Très pieux, il considère que son élévation au trône est un signe de Dieu, et va teinter sa politique de messianisme : il va reprendre les explorations dans le but affiché de rejoindre les Indes, pour empêcher la grande puissance musulmane d’alors – le Sultanat Mamelouk – de tirer bénéfice du commerce des épices (et reprendre celui-ci à son compte) , mais aussi dans l’espoir de faire alliance avec les Chrétiens d’Orient (Dont le mythique Prêtre Jean d’Ethiopie) pour prendre à revers les royaumes musulmans et reconquérir la Terre Sainte.
Le 8 Juillet 1497, Vasco de Gama avec 4 navires et 200 hommes quitte le Portugal. Effectuant une large « volte » au large des côtes Sud de l’Afrique pour éviter les vents contraires, il double le Cap des Tempêtes le 22 Novembre 1497, embarque de grés ou de force des pilotes indiens ou musulmans rencontrés (ils connaissent les courants et le régime si particulier des moussons de l’Océan Indien) dans les petits royaumes du Sud-Est de l’Afrique, et arrive en Inde le 21 Mai 1498. Il séjournera à Calicut, sur les côtes de Malabar.
Les côtes du Malabar et le Kerala
Il est important que je vous explique ce en quoi la région de l’Inde où débarque Vasco de Gama est si particulière…
D’abord, on ne navigue pas depuis le Sud-Est del’Afrique jusqu’à l’Inde aussi facilement que cela : l’Océan Indien est soumis à un régime climatique très particulier appelé la Mousson. Durant l’Hiver, les vents soufflent de l’Inde vers l’Afrique, et au mois de Juillet, et ce pour environ 3/4 mois, ils s’inversent et soufflent de l’Afrique vers l’Inde : c’est durant ces quelques mois que des navires peuvent passer des côtes de l’Afrique (ou de la Péninsule Arabique) vers l’Inde. Il ne faut pas rater cette période de vents favorables, car alors l’on doit hiverner sur les côtes de l’Afrique de l’Est.
La mousson a aussi des conséquences locales pour le trafic maritime : les vents sont tellement violents que même le cabotage de port à port devient impossible !
Enfin, ce sont les vents de la mousson qui décident sur quelles côtes vous allez arriver : si vous venez de la Péninsule Arabique vous débarquerez au Nord, dans le Gujarat. Si vous venez d’Afrique, Vous arriverez dans les eaux des Côtes de Malabar et vous débarquerez dans le Kerala, les côtes Sud-Ouest de l’Inde et la première terre que vous apercevrez au loin sera généralement le Mont Eli.
(Le Mont Eli)
(Le Mont Eli)
Ce régime météorologique, ainsi que la géographie très particulière du Kerala, ont fait de cette région de l’Inde, un véritable isolat. En effet, le Kerala est coupé de l’intérieur du sous-continent Indien par une chaine de montagnes appelées les Ghâts. Les plus hauts sommets dépassent certes rarement 2000m, mais les hauteurs sont couvertes de jungles et de forêts inextricables, les cols sont rares et facilement défendables, barrant le passage des armées dans un sens ou dans l’autre.
(Les Ghâts)
(Les Ghâts)
De ces montagnes descendent de nombreuses rivières, les côtes sont découpées et irriguées par ces cours d’eau. Le climat est chaud, humide.
Le Kerala n’est pas propice à la guerre, aucun empire n’a pu s’y développer, seulement de petits royaumes guerroyant parfois sur leurs franges, mais vivant essentiellement des productions locales et du commerce, loin des tumultes du sous-continent.
« Des Chrétiens et des épices » , mais surtout du poivre et des musulmans en fin de compte
L’un des premiers hommes débarqués des navires de Vasco de Gama, auteur anonyme d’une relation de ce premier voyage aux Indes, rencontre à Calicut 2 Maures de Tunis. Stupéfaits de rencontrer un Portugais, ils s’écrient « Que le Diable t’emporte ! Que fais-tu ici !? » et lui de répondre « Nous venons chercher des Chrétiens et des épices ».
Des Chrétiens !? Les Portugais n’en trouveront pas ! Du moins pas de grands royaumes chrétiens, mais seulement de petites communautés disposant de peu d’influence ou de pouvoirs. Des épices oui ils en trouveront, mais pas tant que cela car la source des épices sont en fait les Indes Orientales, notamment les fameuses îles Moluques, et l’Inde, bien que produisant ses propres richesses, est un (complexe et non simple) relais sur la route des épices …
Par contre, et c’est une très mauvaise surprise pour les Portugais, ils vont rencontrer des communautés musulmanes importantes et influentes : comment ce fais ce !?
Hé bien en fait c’est une autre particularité non pas tant du Kerala en particulier que des particularités religieuses et sociales de l’Inde Hindouiste. La société Hindoue est divisée en castes. Cette division est rigide : les castes inférieures ne peuvent côtoyer les castes supérieures. De plus l’Hindouisme considère que certaines activités rendent l’homme « impur » … notamment le fait de … voyager par mer ! Les Indiens Hindouistes ne peuvent donc développer le commerce maritime !!! Ce sont les Musulmans qui ont donc pris le contrôle, au fil des siècles, du commerce maritime ! Ajoutons que pour les femmes des castes inférieures, le seul moyen d’échapper à leur condition est … d’épouser un étranger ! Les Indiennes des castes inférieures vont alors épouser des marchands, marins et soldats musulmans, et leur descendance formeront une communauté musulmane influente appelée les Mappillas. Les Portugais apprendront d’ailleurs à distinguer les « Mouros da Meca » (Maures de la Mecque, c'est-à-dire de la péninsule Arabique) des « Mouros da India » (Maures de l’Inde, c'est-à-dire ces fameux Mapillas).
Le tumulte de l’intérieur
Je vous ai expliqué que le Kerala vivait à l’écart de l’intérieur des terres, et justement qu’est que ce tumulte de l’intérieur !?
L’opposition principale se développe entre les Musulmans et les Hindouistes.
Tout le Sud de l’Inde est aux mains du seul grand pouvoir hindouiste de l’Inde à cette époque : l’Empire du Vijayanagar. Au centre, 5 sultanats musulmans se partagent le pouvoir, dont le Bijapûr qui possède la cité de Goa (dont nous reparlerons). Au Nord, un grand royaume musulman, le sultanat de Delhi, dominera jusqu’en 1526 (année de l’arrivée des Moghols de Babur) aux côtés des sultanats de Gujarat et du Bengale.
Les sultanats du Deccan sont en guerre perpétuelle contre le Vijayanagar, et cela a une grande importance pour les petits royaumes Hindouistes du Kerala et pour les Portugais !
D’abord les petits royaumes Hindouistes du Kerala ne seront jamais conquis ou vassalisés par le Vijayanagar, trop occupé contre le Deccan. Ils se montreront toujours déférents envers leur puissant voisin. Ensuite pour faire la guerre contre les musulmans du Deccan, le Vijayanagar a besoin d’une cavalerie, hors le climat Indien a des effets négatifs sur les chevaux : les maladies ne guérissent pas, les blessures ne se soignent pas, et la reproduction est très difficile, aussi les petits états Hindouistes du Kerala serviront de relais commerciaux pour fournir des chevaux arabes au Vijayanagar (ce commerce fera la fortune d’une cité comme Cannanore). Goa sera le grand port des chevaux de Bijapur.
Des chevaux, des épices, du poivre …
Nous avons donc parlé des chevaux, mais rappelez vous les Portugais viennent aussi chercher des épices !
Ils en trouveront, mais pas tant que cela, car les épices se trouvent plus à l’est, aux Indes Orientales, l’Inde est un relais sur cette route des épices. C’est ce qui poussera par la suite Afonso de Albuquerque à la conquête de Malacca.
Par contre, sur les pentes des Ghâts poussent un excellent poivre, et le poivre est un condiment déjà fort apprécié en Europe. A Ceylan les Portugais achèteront de la cannelle, et à Cannanore du gingembre. Les premières cargaisons ramenées d’Inde par les Portugais consisteront essentiellement en poivre du Malabar, en gingembre, et le peu d’épices qu’ils auront réussi à acheter.
Vasco de Gama : celui qui montre le chemin
Cette première expédition de Vasco de Gama est en demi-teinte…
D’abord la présence et l’influence des communautés musulmanes est une mauvaise surprise, et ceux-ci n’ont pas l’intention de se laisser concurrencer par les Portugais sans réagir.
Ensuite, Vasco de Gama n’a pas pris la mesure de l’Inde et de sa civilisation : les cadeaux qu’il remet au Zamorin de Calicut seraient peu être acceptables par un Roi d’Afrique Noire, ici ils font pâle figure comparé à ceux des Musulmans de la Péninsule Arabique.
Et il n’a pas compris les coutumes et les mentalités locales : lorsqu’il lui est demandé une forte somme d’argent au moment de repartir, ce n’est pas pour le rançonner ou l’humilier, ce sont les coutumes locales ! Et lorsque qu’il emmène contre leur gré des Indiens pour les ramener au Portugal, il commet un double sacrilège, car ces Indiens ne peuvent se nourrir en mer de par leur religion , et ils vont se souiller sans pouvoir se livrer à leurs rites de purifications qu’ils doivent régulièrement accomplir à terre ! Cela ne sera pas pardonné aux Portugais avant longtemps. La méfiance s’est installée.
Mais la route est ouverte, et la cargaison de poivre, gingembre et d’un peu d’épices rapportera de gros bénéfices !
Dernière édition par Byblos le Sam 17 Nov 2018 - 19:08, édité 1 fois