1754. Y a comme de la rumba dans l’air au cœur de la Nouvelle France. Installé dans la région des grands lacs, le fort Castor vient d’être repris par les Anglais aux Français. La guerre bat son plein entre les soldats du roi George 1er et ceux de ce gros bringueur de Louis XV. L’époque est sanglante. Même les caribous ont les jetons quand ils mettent un sabot dehors. .
Les temps sont rudes et incertains. L’ennemi peut ressurgir à tout instant. Par précaution, John Campbell, le nouveau commandant de la garnison britannique vient s’assurer auprès des colons de leur fidélité à la couronne. Mais aussi leur poser quelques questions car il voudrait mettre fin à un trafic d’alcool frelaté qui sévit dans le pays.
Un tord-boyaux baptisé le Jee-Bowl-Inn (les francophones disent Gibolin) ferait en effet des ravages chez les locaux : vue troublée, dents qui tombent, cul qui pèle. Tabarnac ! C’est qu'il titre quand même dans les 60 degrés, ce casse-pattes là (1)
Le redoutable coupe-la-soif est produit à base de couenne de castor, de bave de caribou et d'écorce d'érable par un groupe de trappeurs et d’indiens algonquins. Des gens prudents dont la cabane est protégée par d’épaisses forêts. Ils y planquent un alambic dont l’usage est strictement interdit par les autorités.
Ce type de commerce est illicite mais très juteux. Au moment où je vous parle, les trappeurs commandés par le rapace et avaricieux René Laffutiau sont justement occupés à vendre leur bibine à qui en veut. Et les clients sont nombreux ! Qu’il s’agisse des villageois (dont le pasteur ne serait pas le dernier à lever le coude), mais aussi des Hurons Wendats dont le village abrite régulièrement des soirées de beuverie. Ben quoi ! Faut bien rigoler un peu dans ces vastes solitudes boisées, hein !
A force de picoler, tout ce petit monde en oublierait presque la guerre qui bouleverse le pays. Elle va brutalement se rappeler à eux. Car tout un parti de Français commandé par le célèbre comte de La Varicelle débouche d’une clairière devant le fort. Infanterie de ligne et compagnies franches de la Marine sont soutenues par un canon de 6 livres.
Le combat s’annonce difficile pour les troupes de Louis XV. Car les Anglais sont solidement retranchés.
Prudents, les Français décident donc de traverser une rivière pour aller demander de l’aide à leurs alliés Hurons. Un jésuite les accompagne. Car en Nouvelle France, l’usage veut que l’on fournisse des armes aux indiens si ces derniers acceptent de se faire baptiser.
C’est mal connaitre le côté retors des autochtones, très attachés à leurs traditions. Les Indiens, qui titubent encore sous les effets de l’alcool qu’ils viennent d’ingurgiter, répondent sans trop prendre de risques qu’ils soutiendront les Français. Par contre, pour ce qui concerne le jésuite, ils le préfèreraient mis à frire à petit feu, attaché au poteau de torture. Abrité derrière les soldats, le prélat tremble d’effroi sous sa soutane, en commençant à regretter amèrement son Morbihan natal. Ma doué ! On était quand même mieux du côté de Brocéliande.
En fait, les choses ne vont pas tout à fait se passer comme tout le monde le souhaiterait. Attirés par le butin qu’ils pourraient rafler chez les visages pâles, en bestiaux mais aussi en fraîches donzelles (avouons ce détail sordide, au risque de couvrir de honte la réputation de notre groupe de joueurs d’habitude si pieux et respectueux des bonnes mœurs ), les indiens envoient deux émissaires chez les colons.
Peu soucieux de se débarrasser de leur bétail comme de leurs tendres compagnes, ces derniers préfèrent enivrer les ambassadeurs hurons à coup de Jee-Bowl-Inn… et les désarmer.
Mal leur en prend. Car les Indiens, qui ont quand même une petite idée derrière la tête, décident de se rendre en masse chez les colons pour savoir ce que sont devenus leurs ambassadeurs. Et les choses vont vite tourner au vinaigre.
Les explications de gravure ne vont pas devenir orageuses qu’à cet endroit. Après avoir constaté que les colons n’étaient pas pressés de les rejoindre et de s’abriter dans le fort comme ils le leur ont suggéré, les Anglais s’apprêtent pour leur part à recevoir le choc des Français.
Dans le même temps, un petit groupe de soldats écossais venu de l’Est et commandé par le très motivé capitaine Sandro (un joueur précoce de… 11 ans) s’efforce de rejoindre fort Castor. Ce qui l’amène au passage à goûter le tord-boyaux des trappeurs. Car un Ecossais qui refuse un godet, c’est pas un Ecossais, rontudju !
Il faut dire aussi que René Laffutiau travaille d’arrache-pied et continue à engranger un gros paquet de flouze grâce à son juteux petit trafic. Car, de toute évidence, pas mal de monde semble l’apprécier son Jee-Bowl-Inn
Bon, fallait bien que ça arrive. Toute la table de jeu se met soudain à retentir de coups d’escopette, du sifflement sinistre des tomahawks lancés avec rage, de cris, de gémissements et de jurons (« ****** de **** de****, j’ai encore fait 1 au dé ! »). Du côté de fort Castor par exemple…
Mais aussi dans le village des colons qui est défendu par une milice et que les Hurons, à peine dessoulés, investissent en lançant leur fameux et terrible cri de guerre « Hips !.... Burp ! »
Ce spectacle d’une rare violence terrifie même ses protagonistes
Affolée, une partie des colons commence à fuir et se dirige vers le fort. Cette retraite a le don de provoquer l’ironie du commandant anglais : «By jove and vingtdediousse ! Z’avez l’air malins, maintenant, hein ! ? Je vous l’avez dit pourtant de venir me rejoindre plus tôt, bande de têtes de lard »
Déchaînés, les Hurons investissent le village et mettent la main sur le bétail après avoir fait subir les derniers outrages à une nonagénaire (« Ben quoi, c’est la guerre pour tout le monde, non ? » aurait-elle déclaré).
Les colons, eux, tirent dans le tas (dans les indiens et dans le bétail, pas dans la nonagénaire. Suivez un peu, bon sang !)
Du côté du fort, un retournement de situation survient cependant. Car un prompt (et je l’avoue, arbitraire), renfort de colons anglophones tombe à point pour faire retraiter les Français, soucieux d’éviter d’être pris à revers. Pour ne pas terminer leur carrière dans un obscur ponton de Bornemouth, les soldats du roi Louis repartent d’où ils étaient venus.
Ce repli des assaillants ne calme pas pour autant la colère que le commandant du fort éprouve à l'encontre des colons. Le colonel Campbell leur reproche en effet leur manque de soutien. Tout comme le meurtre d’un de ses émissaires. Un ranger envoyé au village et tué par une balle perdue. Crime que les colons, eux, nient et attribuent aux Hurons.
« Cause toujours, tu m’intéresse » leur rétorque Campbell qui s’empresse de mettre sous bonne garde les civils réfugiés. Tout cela dans l’intention de leur faire prendre le premier bateau pour l’Australie et de leur faire goûter les charmes infernaux des tropiques. Non mais ! Ca leur fera les pieds à ces niaiseux.
Quant aux Hurons, ils repartent chez eux avec la certitude d’avoir ce soir la panse pleine. En plus, il leur reste du Jee-Bowl-Inn. Des scalps, du bétail, du vitriol….Elle est pas belle, la vie d’autochtone ?
(1) L’abus de Jee-Bowl-Inn provoque un -1 au tir pendant un certain nombre de tours. C’est le dé qui décide de la durée de l’ivresse.
Les temps sont rudes et incertains. L’ennemi peut ressurgir à tout instant. Par précaution, John Campbell, le nouveau commandant de la garnison britannique vient s’assurer auprès des colons de leur fidélité à la couronne. Mais aussi leur poser quelques questions car il voudrait mettre fin à un trafic d’alcool frelaté qui sévit dans le pays.
Un tord-boyaux baptisé le Jee-Bowl-Inn (les francophones disent Gibolin) ferait en effet des ravages chez les locaux : vue troublée, dents qui tombent, cul qui pèle. Tabarnac ! C’est qu'il titre quand même dans les 60 degrés, ce casse-pattes là (1)
Le redoutable coupe-la-soif est produit à base de couenne de castor, de bave de caribou et d'écorce d'érable par un groupe de trappeurs et d’indiens algonquins. Des gens prudents dont la cabane est protégée par d’épaisses forêts. Ils y planquent un alambic dont l’usage est strictement interdit par les autorités.
Ce type de commerce est illicite mais très juteux. Au moment où je vous parle, les trappeurs commandés par le rapace et avaricieux René Laffutiau sont justement occupés à vendre leur bibine à qui en veut. Et les clients sont nombreux ! Qu’il s’agisse des villageois (dont le pasteur ne serait pas le dernier à lever le coude), mais aussi des Hurons Wendats dont le village abrite régulièrement des soirées de beuverie. Ben quoi ! Faut bien rigoler un peu dans ces vastes solitudes boisées, hein !
A force de picoler, tout ce petit monde en oublierait presque la guerre qui bouleverse le pays. Elle va brutalement se rappeler à eux. Car tout un parti de Français commandé par le célèbre comte de La Varicelle débouche d’une clairière devant le fort. Infanterie de ligne et compagnies franches de la Marine sont soutenues par un canon de 6 livres.
Le combat s’annonce difficile pour les troupes de Louis XV. Car les Anglais sont solidement retranchés.
Prudents, les Français décident donc de traverser une rivière pour aller demander de l’aide à leurs alliés Hurons. Un jésuite les accompagne. Car en Nouvelle France, l’usage veut que l’on fournisse des armes aux indiens si ces derniers acceptent de se faire baptiser.
C’est mal connaitre le côté retors des autochtones, très attachés à leurs traditions. Les Indiens, qui titubent encore sous les effets de l’alcool qu’ils viennent d’ingurgiter, répondent sans trop prendre de risques qu’ils soutiendront les Français. Par contre, pour ce qui concerne le jésuite, ils le préfèreraient mis à frire à petit feu, attaché au poteau de torture. Abrité derrière les soldats, le prélat tremble d’effroi sous sa soutane, en commençant à regretter amèrement son Morbihan natal. Ma doué ! On était quand même mieux du côté de Brocéliande.
En fait, les choses ne vont pas tout à fait se passer comme tout le monde le souhaiterait. Attirés par le butin qu’ils pourraient rafler chez les visages pâles, en bestiaux mais aussi en fraîches donzelles (avouons ce détail sordide, au risque de couvrir de honte la réputation de notre groupe de joueurs d’habitude si pieux et respectueux des bonnes mœurs ), les indiens envoient deux émissaires chez les colons.
Peu soucieux de se débarrasser de leur bétail comme de leurs tendres compagnes, ces derniers préfèrent enivrer les ambassadeurs hurons à coup de Jee-Bowl-Inn… et les désarmer.
Mal leur en prend. Car les Indiens, qui ont quand même une petite idée derrière la tête, décident de se rendre en masse chez les colons pour savoir ce que sont devenus leurs ambassadeurs. Et les choses vont vite tourner au vinaigre.
Les explications de gravure ne vont pas devenir orageuses qu’à cet endroit. Après avoir constaté que les colons n’étaient pas pressés de les rejoindre et de s’abriter dans le fort comme ils le leur ont suggéré, les Anglais s’apprêtent pour leur part à recevoir le choc des Français.
Dans le même temps, un petit groupe de soldats écossais venu de l’Est et commandé par le très motivé capitaine Sandro (un joueur précoce de… 11 ans) s’efforce de rejoindre fort Castor. Ce qui l’amène au passage à goûter le tord-boyaux des trappeurs. Car un Ecossais qui refuse un godet, c’est pas un Ecossais, rontudju !
Il faut dire aussi que René Laffutiau travaille d’arrache-pied et continue à engranger un gros paquet de flouze grâce à son juteux petit trafic. Car, de toute évidence, pas mal de monde semble l’apprécier son Jee-Bowl-Inn
Bon, fallait bien que ça arrive. Toute la table de jeu se met soudain à retentir de coups d’escopette, du sifflement sinistre des tomahawks lancés avec rage, de cris, de gémissements et de jurons (« ****** de **** de****, j’ai encore fait 1 au dé ! »). Du côté de fort Castor par exemple…
Mais aussi dans le village des colons qui est défendu par une milice et que les Hurons, à peine dessoulés, investissent en lançant leur fameux et terrible cri de guerre « Hips !.... Burp ! »
Ce spectacle d’une rare violence terrifie même ses protagonistes
Affolée, une partie des colons commence à fuir et se dirige vers le fort. Cette retraite a le don de provoquer l’ironie du commandant anglais : «By jove and vingtdediousse ! Z’avez l’air malins, maintenant, hein ! ? Je vous l’avez dit pourtant de venir me rejoindre plus tôt, bande de têtes de lard »
Déchaînés, les Hurons investissent le village et mettent la main sur le bétail après avoir fait subir les derniers outrages à une nonagénaire (« Ben quoi, c’est la guerre pour tout le monde, non ? » aurait-elle déclaré).
Les colons, eux, tirent dans le tas (dans les indiens et dans le bétail, pas dans la nonagénaire. Suivez un peu, bon sang !)
Du côté du fort, un retournement de situation survient cependant. Car un prompt (et je l’avoue, arbitraire), renfort de colons anglophones tombe à point pour faire retraiter les Français, soucieux d’éviter d’être pris à revers. Pour ne pas terminer leur carrière dans un obscur ponton de Bornemouth, les soldats du roi Louis repartent d’où ils étaient venus.
Ce repli des assaillants ne calme pas pour autant la colère que le commandant du fort éprouve à l'encontre des colons. Le colonel Campbell leur reproche en effet leur manque de soutien. Tout comme le meurtre d’un de ses émissaires. Un ranger envoyé au village et tué par une balle perdue. Crime que les colons, eux, nient et attribuent aux Hurons.
« Cause toujours, tu m’intéresse » leur rétorque Campbell qui s’empresse de mettre sous bonne garde les civils réfugiés. Tout cela dans l’intention de leur faire prendre le premier bateau pour l’Australie et de leur faire goûter les charmes infernaux des tropiques. Non mais ! Ca leur fera les pieds à ces niaiseux.
Quant aux Hurons, ils repartent chez eux avec la certitude d’avoir ce soir la panse pleine. En plus, il leur reste du Jee-Bowl-Inn. Des scalps, du bétail, du vitriol….Elle est pas belle, la vie d’autochtone ?
(1) L’abus de Jee-Bowl-Inn provoque un -1 au tir pendant un certain nombre de tours. C’est le dé qui décide de la durée de l’ivresse.