Pas de doute. Le monde est vraiment petit.
Fraîchement arrivé des Pyrénées-Atlantiques et connaissant peu l'histoire de la Bretagne, je me suis plongé dans quelques bouquins, histoire de ne pas débarquer idiot.
Or, dans les premières pages du livre que Jean Guillot vient d'écrire sur "Révolution et chouannerie en Morbihan "(ed. des Montagnes Noires), j'ai appris qu'un régiment de cavalerie 100% breton a participé aux guerres de la Révolution et de l'Empire avant de terminer sa carrière par la bataille d'Orthez, disputée en 1814, au pied des Pyrénées !
Prémonition ou hasard du pinceau ? Sans que je la connaisse réellement, j'ai déjà peint cette unité dont l'uniforme ressemble, il est vrai, à beaucoup d'autres régiments du même type.
Son histoire est en tout cas révélatrice des soubresauts et des drames d'une époque très agitée. La voici en quelques mots.
UNE MILICE AUX ORDRES
En 1789, comme beaucoup d'autres villes, Lorient est agitée par la fièvre révolutionnaire. Une milice bourgeoise y est créée pour défendre les idées nouvelles. Mais celle-ci n'est apparemment pas jugée assez "progressiste".
Une autre milice plus militaire et mieux organisée est donc créée à l'initiative de deux hommes. Il s'agit de Auguste Perier, administrateur de la Compagnie des Indes (et par la suite gros acheteur de biens nationaux) ainsi que de Michel Beysser, ancien chirurgien du régiment Lorraine Dragons.
Cette nouvelle unité est mise aux ordres du pouvoir local. Car, explique Jean Guillot, les bourgeois se méfient de l'armée de métier où les officiers partisans de l'ancien régime sont nombreux.
La milice nouvelle formule prend pour nom "Les dragons de Lorient".
Elle est composée de 60 cavaliers. Tous s'équipent à leurs frais : cheval, harnachement, un fusil, deux pistolets ainsi qu'un uniforme qui en jette. La veste est rouge à revers noirs. La culotte est jaune et les bottes brillent.
Dans un premier temps, les Dragons de Lorient paradent beaucoup lors de cérémonies patriotiques. Ils participent aussi à quelques missions : l'escorte d'un convoi d'armes destinées à la Garde nationale de Vannes, la répression d'une révolte liée à la distribution du blé.
En 1790, ils arrêtent même le chevalier de Tinténiac dans l'auberge de l'Epée à Lorient. Il est reproché à ce dernier d'avoir tenu des "propos déplacés" sur la Révolution.
L'homme va être libéré. Les dragons ne savent pas encore qu'il va rejoindre plus tard l'Association bretonne de La Rouërie et devenir un célèbre général chouan.
A cette époque, Louis XVI est toujours roi et les temps sont politiquement alambiqués. Beysser, le commandant des Dragons de Lorient, est ainsi l'un des derniers en France à recevoir la Croix de Saint Louis. Cette distinction qui ne lui portera pas chance. Il sera en effet guillotiné en avril 1794.
PLONGEE DANS LES GUERRES DE L'OUEST
Mais n'allons pas trop vite en besogne. Car au préalable, la milice de cavaliers morbihannais va constituer l'ossature d'un nouveau régiment : le 21e chasseurs, qui sera plus tard transformé en 15e chasseurs.
Cette unité fait partie des deux régiments de chasseurs à cheval créés en 1793 dans l'Ouest de la France. C'est à dire en Bretagne et en Normandie. Elle regroupe des volontaires venant aussi bien des Côtes du Nord que du Morbihan, du Finistère, d'Ille et Vilaine et de Loire inférieure.
On retrouve là des Dragons de Lorient, des Volontaires à cheval de Brest, des membres de la Cavalerie nantaise, des Chasseurs de Pontivy, des Volontaires des Côtes du Nord, des Chasseurs français de Doué.
En 1793, le nouveau régiment est basé au camp de Guidel après avoir été organisé à Nantes. Il s'installe ensuite à Hennebont. Les temps sont rudes. On compte 973 cavaliers pour...777 chevaux.
Les temps sont cruels aussi, impitoyables même. Avec Beysser, le 15e chasseurs à cheval va participer à la reprise de Machecoul face aux troupes de Charette, puis combattre à Montaigu, à Cholet et poursuivre l'armée catholique et royale lors de la terrible virée de galerne.
L'horreur de la répression menée par les colonnes infernales l'attend à partir de 1794, avant de le voir continuer à servir dans l'Ouest sous les ordres de Hoche et de Canclaux.
L'ARMEE D'ITALIE, PUIS L'ESPAGNE
Changement total de cap en 1797 : le 15e régiment de chasseurs à cheval rejoint l'armée d'Italie pour y combattre les Autrichiens. Puis, lors de l'Empire, il va participer à la boucherie d'Eylau avant d'être envoyé en Espagne et au Portugal de 1808 à 1813.
Engagé face aux armées coalisées lors de la bataille de Leipzig, il traversera à nouveau la France pour être placé sous le commandement du maréchal Soult.
A un contre deux, ce dernier est opposé en 1814 aux armées anglaise, espagnole et portugaise qui ont passé les Pyrénées sous les ordres de Wellington.
Batailles de la Nive et de la Nivelle, siège de Bayonne, bataille d'Orthez, combats d'Aire sur l'Adour et de Maubourguet... La campagne est féroce.
Elle se termine en avril 1814 par le siège de Toulouse et par une armistice obtenue une fois que Soult a eu confirmation de l'abdication de Napoléon 1er. Celle-ci est survenue en fait depuis un sacré bout de temps. Mais à l'époque, le téléphone portable n'existe pas encore. Entretemps, la bataille de Toulouse aura fait 8 000 morts.
Le 15e régiment de Chasseurs à cheval a été dissous en 1815. Il a été reconstitué par la suite, sous d'autres formes et en d'autres lieux. Mais ceci est une autre histoire.
Pour en savoir plus : https://revolutionsehri.wordpress.com/15e-regiment-de-chasseurs-a-cheval/
Le 15e Chasseurs à cheval en 28 mm, époque Empire (plastique à gauche, métal à droite)
Sur la planche d'uniformes, le 15e est en bas
Fraîchement arrivé des Pyrénées-Atlantiques et connaissant peu l'histoire de la Bretagne, je me suis plongé dans quelques bouquins, histoire de ne pas débarquer idiot.
Or, dans les premières pages du livre que Jean Guillot vient d'écrire sur "Révolution et chouannerie en Morbihan "(ed. des Montagnes Noires), j'ai appris qu'un régiment de cavalerie 100% breton a participé aux guerres de la Révolution et de l'Empire avant de terminer sa carrière par la bataille d'Orthez, disputée en 1814, au pied des Pyrénées !
Prémonition ou hasard du pinceau ? Sans que je la connaisse réellement, j'ai déjà peint cette unité dont l'uniforme ressemble, il est vrai, à beaucoup d'autres régiments du même type.
Son histoire est en tout cas révélatrice des soubresauts et des drames d'une époque très agitée. La voici en quelques mots.
UNE MILICE AUX ORDRES
En 1789, comme beaucoup d'autres villes, Lorient est agitée par la fièvre révolutionnaire. Une milice bourgeoise y est créée pour défendre les idées nouvelles. Mais celle-ci n'est apparemment pas jugée assez "progressiste".
Une autre milice plus militaire et mieux organisée est donc créée à l'initiative de deux hommes. Il s'agit de Auguste Perier, administrateur de la Compagnie des Indes (et par la suite gros acheteur de biens nationaux) ainsi que de Michel Beysser, ancien chirurgien du régiment Lorraine Dragons.
Cette nouvelle unité est mise aux ordres du pouvoir local. Car, explique Jean Guillot, les bourgeois se méfient de l'armée de métier où les officiers partisans de l'ancien régime sont nombreux.
La milice nouvelle formule prend pour nom "Les dragons de Lorient".
Elle est composée de 60 cavaliers. Tous s'équipent à leurs frais : cheval, harnachement, un fusil, deux pistolets ainsi qu'un uniforme qui en jette. La veste est rouge à revers noirs. La culotte est jaune et les bottes brillent.
Dans un premier temps, les Dragons de Lorient paradent beaucoup lors de cérémonies patriotiques. Ils participent aussi à quelques missions : l'escorte d'un convoi d'armes destinées à la Garde nationale de Vannes, la répression d'une révolte liée à la distribution du blé.
En 1790, ils arrêtent même le chevalier de Tinténiac dans l'auberge de l'Epée à Lorient. Il est reproché à ce dernier d'avoir tenu des "propos déplacés" sur la Révolution.
L'homme va être libéré. Les dragons ne savent pas encore qu'il va rejoindre plus tard l'Association bretonne de La Rouërie et devenir un célèbre général chouan.
A cette époque, Louis XVI est toujours roi et les temps sont politiquement alambiqués. Beysser, le commandant des Dragons de Lorient, est ainsi l'un des derniers en France à recevoir la Croix de Saint Louis. Cette distinction qui ne lui portera pas chance. Il sera en effet guillotiné en avril 1794.
PLONGEE DANS LES GUERRES DE L'OUEST
Mais n'allons pas trop vite en besogne. Car au préalable, la milice de cavaliers morbihannais va constituer l'ossature d'un nouveau régiment : le 21e chasseurs, qui sera plus tard transformé en 15e chasseurs.
Cette unité fait partie des deux régiments de chasseurs à cheval créés en 1793 dans l'Ouest de la France. C'est à dire en Bretagne et en Normandie. Elle regroupe des volontaires venant aussi bien des Côtes du Nord que du Morbihan, du Finistère, d'Ille et Vilaine et de Loire inférieure.
On retrouve là des Dragons de Lorient, des Volontaires à cheval de Brest, des membres de la Cavalerie nantaise, des Chasseurs de Pontivy, des Volontaires des Côtes du Nord, des Chasseurs français de Doué.
En 1793, le nouveau régiment est basé au camp de Guidel après avoir été organisé à Nantes. Il s'installe ensuite à Hennebont. Les temps sont rudes. On compte 973 cavaliers pour...777 chevaux.
Les temps sont cruels aussi, impitoyables même. Avec Beysser, le 15e chasseurs à cheval va participer à la reprise de Machecoul face aux troupes de Charette, puis combattre à Montaigu, à Cholet et poursuivre l'armée catholique et royale lors de la terrible virée de galerne.
L'horreur de la répression menée par les colonnes infernales l'attend à partir de 1794, avant de le voir continuer à servir dans l'Ouest sous les ordres de Hoche et de Canclaux.
L'ARMEE D'ITALIE, PUIS L'ESPAGNE
Changement total de cap en 1797 : le 15e régiment de chasseurs à cheval rejoint l'armée d'Italie pour y combattre les Autrichiens. Puis, lors de l'Empire, il va participer à la boucherie d'Eylau avant d'être envoyé en Espagne et au Portugal de 1808 à 1813.
Engagé face aux armées coalisées lors de la bataille de Leipzig, il traversera à nouveau la France pour être placé sous le commandement du maréchal Soult.
A un contre deux, ce dernier est opposé en 1814 aux armées anglaise, espagnole et portugaise qui ont passé les Pyrénées sous les ordres de Wellington.
Batailles de la Nive et de la Nivelle, siège de Bayonne, bataille d'Orthez, combats d'Aire sur l'Adour et de Maubourguet... La campagne est féroce.
Elle se termine en avril 1814 par le siège de Toulouse et par une armistice obtenue une fois que Soult a eu confirmation de l'abdication de Napoléon 1er. Celle-ci est survenue en fait depuis un sacré bout de temps. Mais à l'époque, le téléphone portable n'existe pas encore. Entretemps, la bataille de Toulouse aura fait 8 000 morts.
Le 15e régiment de Chasseurs à cheval a été dissous en 1815. Il a été reconstitué par la suite, sous d'autres formes et en d'autres lieux. Mais ceci est une autre histoire.
Pour en savoir plus : https://revolutionsehri.wordpress.com/15e-regiment-de-chasseurs-a-cheval/
Le 15e Chasseurs à cheval en 28 mm, époque Empire (plastique à gauche, métal à droite)
Sur la planche d'uniformes, le 15e est en bas
Dernière édition par SIR JACK le Dim 7 Jan 2018 - 18:19, édité 1 fois